Comédie dramatique de Lukas Bärfuss, mise en scène du Collectif DRAO, avec Fatima Soualhia-Manet, Gilles Nicolas, Stéphane Facco, Sandy Ouvrier et Benoît Mochot.
Deux couples hétérosexuels et l'infidélité conjugale, thème dramatique classique, du vaudeville à la comédie de moeurs, est au coeur de "Quatre images de l'amour", drame bourgeois dans lequel le dramaturge suisse dont Lukas Bärfuss en livre une déclinaison pintero-schnitzerienne.
En effet, composée de quatre tableaux, chacun axé autour d'un personnage et d'un épisode narratif, la partition se déroule autour d'une intrigue linéaire dévoilée à partir d'une situation d'une banalité exemplaire, celle d'un rendez-vous adultérin dans une chambre d'hôtel, qui va entraîner les protagonistes dans une inattendue tragédie conjugale.
Texte ciselé au scalpel, situation délétère, personnages sidérés dans une certaine vacuité existentielle, qui s'avère le lot commun de nantis, pour le moins, névrosés et englués dans l'ennui, entre contradictions internes et processus relationnels paradoxaux, Lukas Bärfuss aborde leur psyché par la combinatoire amour/liberté de manière entomologique.
Aux codes de la comédie de moeurs clinique, le Collectif DRAO a préféré ceux du film noir qui, procédant par décalage avec le réel, transcende le fait divers domestique, et lui apporte une connotation d'irréalité fictionnelle à laquelle s'ajoute l'étrangeté introduite par l'auteur avec l'intervention d'un tiers (Gilles Nicolas), quant à lui totalement ancré dans une réalité prosaïque.
Soutenu par un adéquat travail de lumières en noir et blanc, le parti-pris cinétique est induit par une excellente scénographie, classieuse et esthétisante, composée de parois mobiles et modulaires, dont les agencements protéiformes permettant de créer les différents espaces scéniques.
Ceux-ci s'ordonnent de manière fluide et mouvante grâce à la projection d'une image abstraite qui se fragmente et se démultiplie comme dans un rêve et davantage comme le cadre d'une projection mentale qui entre en adéquation avec un opus qui traite davantage de représentations mentales que de relations émotionnelles.
Les comédiens aguerris du collectif DRAO disposent du discernement, du métier et du talent indispensables pour se colleter à l'écriture presque minimaliste de Lukas Bärfuss qui ouvre d'insondables brèches métaphysiques.
Le quadrille formé par Sandy Ouvrier, Fatima Soualhia-Manet, Stéphane Facco et Benoît Mochot dispense avec efficacité les huis-clos successifs par la construction sensible des personnages dont il laisse affleurer la fragile humanité sans lever l'ambiguïté immanente de la situation. |