Monologue dramatique de Sarah Kane dit par Julie Danlébac dans une mise en scène de Ulysse di Gregorio.
Ulysse Di Gregorio, jeune metteur en scène de grand talent (Pinter, Claudel, Corneille…) aidé, pour la scénographie, de Benjamin Gabrié, aborde ici l’univers tourmenté d’un jeune auteur anglais, mort avant trente ans, emblématique de sa génération, adulé et proscrit.
Sarah Kane, après "Manque", qui aborde déjà le thème du suicide, explore ici, dans "4.48 Psychose", son ultime pièce, l’enfermement, la "résolution" médicale du mal de l’âme et de la possession, l’étape dernière du consentement avant le plongeon dans la "trappe" de la médicamentation.
Hurlements contenus par la peur du regard, larmes d’indignation, mots couvés et répétés de la psychose, le personnage résiste, accroche ses ongles à la paroi lisse et glissante de la lucidité, sombre dans la clarté morbide de l’abandon.
Une comédienne exceptionnelle, Julie Danlébac, qui rappelle Falconetti dans "Jeanne d’Arc" par l’économie d’un jeu qui exprime avec violence, apporte son extrême sensibilité à un texte âpre et dérangeant, insoutenable parfois, sans complaisance ni effets, criant son regret d’une foi rejetée, appelée "amour", qui a un visage et une absence. C’est bouleversant.
Le costume de Salvador Mateu Andujar, mi-chapiteau, mi-camisole de mariée, apporte une étrangeté troublante. La tension ne faiblit jamais, Julie Danlébac intensifie la douleur, Ulysse Di Gregorio a pensé et construit son travail avec une précision implacable.
Le spectateur contemple un crépuscule humain tandis qu’il ressent l’angoisse de l’aube, claire comme la mort. Très puissant. |