Sortis
à quelques mois d’intervalle, voilà deux excellents albums
inattendus. D’Herman Düne, on connaissait les prestations
scéniques avant même les disques. Schéma classique des groupes
en quête de reconnaissance ? Pas vraiment, puisque d’une part le
groupe a acquis sa notoriété (une presse unanime voire dithyrambique,
tant outre-atlantique, outre-manche que dans l’hexagone, ce qui relève
de l’exploit médiatique), puisque d’autre part le groupe
n’a pas acquis la reconnaissance publique. Alors qu’il suffit d’un
article enthousiaste pour faire décoller tel groupe ressortissant le
rock des années 1970, Herman Düne n’est pas (encore) sur toutes
les lèvres.
Et pourtant…Leur premier album Turn off the (bright
?) light, hesitant entre une folk lo-fi classique et une pop-rock
plus électrique, les fait entrer dans la cour des grands, celle de Jeffrey
Lewis, Lou Barlow… Avec Switzerland Heritage,
le groupe assume justement son héritage, mais c’est de l’héritage
folk dont il est question.
Le groupe enchaîne les concerts, en Europe et aux Etats-Unis.David
Ivar Herman Düne et son frère André Herman
Düne en profitent pour élargir leur répertoire.
Herman Düne, dit-on, possèderait (déjà) un répertoire
de 400 chansons originales. Et personne pour les signer ? !!! Et bien si, tout
de même, le groupe est repéré aux Etats-unis par le label
américain Shrimper, qui signe entre autres Yo la tengo et Lou
Barlow. On leur demande de sortir un album de raretés et inédits.
Adulé
par John Peel, les frères franco-suédois sont invités
à enregistrer leur Peel Session.
Ces évènements les écartent de l’enregistrement studio,
et deux années s’écoulent avant que ne sortent, non pas
un, mais deux disques simultanément. Preuve de leur propension à
composer. Mas Cambios et Mash Concrete
Metal Mushroom sont deux frères jumeaux, qui auraient pu
faire partie d’un double cd, l’un étant la face sombre de
l’autre, un envers et un endroit.
Frères jumeaux, car on ressent à l’écoute de ces
deux album la même impression de sincérité, de générosité,
de spontanéité dans l’écriture. A vrai dire, les
yeux fermés, on se retrouve volontiers autour d’un feu, sur une
plage un soir d’automne. Vision un peu idéaliste de la musique,
mais la musique d’Herman Düne, lo-fi, est d’une réelle
fraîcheur.
Sur Mas Cambios , pas de fioritures. Guitare, batterie
légère, chœurs chanté-parlé, et mélodies
légères. La petite flûte de "Red Blue Eyes"
impose un ton frivole, comme si Bob Dylan enregistrait au Pérou.
Triste sur certaines pistes ("In the summer camp", "Winner
Lose", "so not I wanted"), le groupe ne sombre
jamais dans la mélancolie gratuite et se reprend avec des balades drôles
("In Auguste") et vecteurs de bonne humeur ("At
your Luau Night", "Sunny Sunny Cold Cold day").
De retour en France, le groupe se passe le disque en boucle et en ressent
le caractère un tantinet déprimant. Le groupe se replonge en studio
pour accoucher d’une nouvelle bizarrerie, Mash Concrete Metal
Mushroom, où dès l’intro l’harmonica
et le rythme donnent envire de basculer sa tête d’avant en arrière
avec un grand sourire. La magnifique chanson "On the Knick",
avec toute sa retenue vocale et son riff de guitare proche de la mandoline en
accompagnement, fait penser à du Neil Young ayant découvert
la joie de la simplicité des arrangements.
D’autres chansons relèvent du pur délire : "Monkey
Song" ("I wish my girlfriend was a monkey, I would have her on
a linch climbing up the tree, an she could steal o lot of things for me”),
"Metal Mash". En fait, ce qui distingue Herman Düne
des autres groupes folk lo-fi, c’est leur légèreté,
qui permet de faire passer des balades déprimées et déprimantes
pour de véritables professions de foi, une foi au bonheur. La dimensions
religieuse d’Herman Dûne n’est pas anodine : de temps en temps,
le chœur ressemble à celui d’une Eglise, et on se croirait
membre des Polyphonic Spree. |