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puce Valérie Mischler chante Dimey
Connétable  (Paris)  vendredi 20 février 2015

Auteur de chansons à succès au tournant des années 50-60, Bernard Dimey (mort en 1981) est aujourd’hui devenu le poète montmartrois par excellence, incarnant un Paris disparu, légendaire – voire un peu folklo – peuplé de filles de joie, d’alcoolos et loubards au grand cœur. Si les tubes signés pour Salvador ("Syracuse"), Zizi Jeanmaire ("Mon truc en plumes") ou Michel Simon ("Mémère") lui ont assuré une certaine notoriété de son vivant, ce n’est pas pour cet aspect-là qu’il est aujourd’hui redécouvert. On pourrait même dire que le temps a réparé son erreur : en 2015, Dimey est beaucoup plus respecté comme poète que chansonnier, et sa vie de "clochard céleste" (sublimée dans le livre de sa muse Yvette Cathiard, La Blessure de l’Ogre) lui confère une aura hors d’âge, capable de séduire autant les chanteuses réalistes en robe noire que les slameurs punks à chiens destroy.

Dimey, au-delà de son vaste répertoire disséminé chez un grand nombre d’artistes, a aussi laissé un monument post-mortem : ses recueils de textes et disques (dits par lui-même), parus en vinyle de son vivant puis repris en CD, MP3, sur le web, etc. Alors que les interprètes de ses chansons d’époque ont été peu à peu oubliés, c’est sans doute cette matière première-là qui assure le mieux sa postérité – en particulier parce que beaucoup de ces textes, nus, appelaient des musiques pour les ressusciter.

On se souvient d’un numéro de Chorus, en 2003, dans lequel la jeune Valérie Mischler déclarait : "Je trouve Dimey très rock dans l’écriture (…) Je me suis reconnue dans une énergie, une déchirure, une souffrance". Plus loin, elle ajoutait : "… en même temps, je ne tiens pas à devenir sa nouvelle égérie". Et pourtant, douze ans plus tard, après quelques albums personnels, la voici qui renfile avec plaisir les bas noirs des filles de joie et les déprimes éthyliques de leur mac-auteur… Son spectacle, accompagné au départ d’un disque (malheureusement jamais réédité), salué par la presse, est aujourd’hui une référence et continue de bien remplir – tous les quinze jours, le vendredi soir.

Mieux que dans un grand music-hall (forcément trop guindé), la poésie de Bernard Dimey s’épanouit dans les caves de la capitale : celle du Connétable, voutée et humide, est idéale pour évoquer cette humanité brinquebalante, fleurs de trottoir poussées sur le fumier de la ville ou marlous révélant in fine un peu de sensibilité. Valérie Mischler avoue d’emblée sa prédilection pour les poèmes "voyous", odes au demi-monde et hôtels de passe, ou pour ceux évoquant l’alcool et la dépression.

Le répertoire se divise en reprises historiques (mises en musique d’Aznavour, Ferré, Cris Carol, Francis Lai) et recréations (par JeHaN, la pianiste Catherine Bedez ou Valérie Mischler elle-même). Aux chansons légères succèdent des titres plus émouvants, où le rire se noie de larmes et régurgite son spleen. Le savant dosage entre les registres donne un récital ni trop plombé, ni trop pouêt-pouêt. Le 20 février, quelques avanies – piano défaillant, sonneries de portables, aboiements de chien errant – ont menacé ce fragile équilibre. Mischler, très pro, a accueilli les impondérables avec humour, créant une connivence avec le public témoin de ce qu’elle nommait sa "soirée catastrophe". En toute logique, les chansons subtiles auraient dû pâtir de cette ambiance peu propice au recueillement et à la nuance. C’est pourtant l’inverse qui s’est produit : rompue à toutes les situations, l’interprète aguerrie est quand même parvenue à s’extraire du marasme pour faire briller les perles "J’aimerais tant savoir" (musique JeHaN) ou "L’enfant maquillé" (Aznavour)… et le piano en loques a ajouté – bien malgré lui – au pathétique de la mélodie de Francis Lai sur "Les Petits cartons".

Néanmoins, dans cette ambiance de rieuse connivence, les chansons légères se sont logiquement imposées : "La Dame aux camélias" (musique Mischler / Bedez), tête pleine d’eau se rêvant héroïne tragique ; "Les Plafonds" (musique Gaby Wagenheim), où une fille de joie contemple, de matelas en matelots de passage, le seul horizon qui s’offre à elle. "I’m’l’a promis" (musique Marian Kouzan), où la crédulité d’une fille n’a d’égal que la mythomanie d’un monsieur. "Fredo" (musique Hubert Degex), apologie d’une brute au grand cœur (rien n’est moins sûr), avec complicité du public. Enfin "Barbara Strip" (musique bluesy de Gaby Wagenheim), présenté comme le "moment tant attendu de ce spectacle"... Mischler fait corps avec ses chansons, se livre avec générosité – malgré une silhouette filiforme, ajoute de la chair (et un supplément d’âme) à cette humanité pleine de clichés. Actrice, elle se fond avec classe dans la peau d’une femme légère, endosse l’habit de souteneuse sans trop de vulgarité. Le récital culmine ainsi logiquement avec "Le Cul de ma sœur" (musique Aznavour, dont JeHaN avait fait la locomotive de son disque de chansons coquines). En rappel, elle fait redécouvrir un titre oublié, "Les P’tits Hôtels", seul exemple recensé d’une collaboration Dimey-Ferré. La rencontre au sommet accouche d’une chanson pleine de souris, de macs et d’hôtels borgnes – mignardise sans conséquence que Valérie Mischler trousse, malgré tout, avec beaucoup de classe.

 

En savoir plus :
Le site officiel de Valérie Mischler
Le Soundcloud de Valérie Mischler
Le Myspace de Valérie Mischler
Le Facebook de Valérie Mischler


Nicolas Brulebois         
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