À tout juste 27 ans, Jazmine Sullivan peut prétendre à un palmarès assez édifiant. Trois albums, une collection de producteurs prestigieux et un mentorat sous l'aile protectrice, sinon galvanisante de l'ineffable Missy Elliott. Un pedigree doré et une musicalité hybride désignent la jeune artiste comme une entité gagnant à être connue. Pourtant, peu relayée sous nos latitudes, mais très prisée dans les cercles d'initiés, cette chanteuse aux accents de vétérane du rhythm and blues affirme avec son troisième né, une direction artistique à contre-courant de l'esthétique plébiscitée sur les ondes radio.
Héritière d'un son primaire et dénué de la patine de production si chère à nos contemporains, Jazmine et son album s'offrent comme une alternative enjouée au r'n'b aux sonorités surdimensionnées. Comprendre que si l'album reste d'une richesse indéniable, il n'en demeure pas moins une course effrénée à travers un panorama musical riche et coloré.
Avec un titre jouant sur la proximité des cultures audiovisuelles et sur celle presque également palpable des artistes avec leur public (réseaux sociaux aidant), l'opus prêche le vrai par le faux. Ainsi, si un titre tel que "#HoodLove" s'empare de la typographie propre aux réseaux sociaux, son approche musicale d’une relation sentimentale bancale est sans fard. C’est l’idée même de Reality Show. Une collection de portraits aussi brusque que réaliste : depuis celle qui ne se maquille et ne vie seulement que dans l’espoir de mettre le grappin sur la bonne bourse ("Mascara"), en passant par celles s’enfermant dans des relations à la limite du morbide ("Dumb" ; "Stanley").
Musicalement et malgré son hiatus de presque 5 ans, l'artiste réinvite son collaborateur de longue date Salaam Rami, mais réussit également à s'offrir un nouveau kaléidoscope sonique. De fait, Reality Show jongle entre des titres radio friendy ("Dumb" en featuring avec Meek Mill) et s'offre également quelques sauts temporels du plus bel effet. "Stanley" groove de façon sexy sur une vague disco rafraîchissante, quand "If You Dare" évoque des rythmiques pop entraînantes et ancrées dans notre époque.
Pourtant, les titres en grande partie portés par la voix de la chanteuse, finissent inlassablement par prendre des accents soul ("Let It Burn") avant de virer subresciptement sur un r'n'b classieux. Développement qui charmera facilement les oreilles et qui établira un parallèle pas très éloigné des fluctuations vocales de feu Amy Whinehouse (période Back to Black). Un cocktail détonnant et qui exprime l’intégralité de l’éventail sonique d’une jeune artiste qui n’a eu cesse de questionner sa place dans la musique, ce qui semble lui avoir rapporté des fruits aussi précieux qu’appétissants.
# 13 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher
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