Réalisé par Damien Manivel. France. Comédie dramatique. 1h11 (Sortie le 29 avril 2015). Avec Rémi Taffanel, Enzo Vassallo, Léonore Fernandes et Christophe Caballero.

C'est sous le signe d'un beau bleu clair, lumineux et évident comme des vacances sétoises, que Damien Manivel a décidé d'inscrire les aventures nonchalantes de Rémi, un tout jeune homme qui taquine la muse.

Il y avait bien longtemps que la poésie n'avait été à pareille fête... et le cinéma aussi.

Ironie de l'histoire et du calendrier, "Un jeune poète" de Damien Manivel sort sur les écrans le même jour que le chef d'oeuvre de Roy Andersson, "Un pigeon penché sur une branche philosophait sur la vie". Sans prétendre à la comparaison, il est indéniable qu'il y a des correspondances entre les deux films, une voisine étrangeté, un goût pour la loufoquerie pince-sans-rire et une foi égale dans l'aléa.

Ce n'est pas tous les jours, par exemple, qu'un roi de Suède du temps des Lumières rentre à cheval dans un bistro d'aujourd'hui ou que, de son repos éternel du "Cimetière marin", Paul Valéry répond par intertitres interposés à un de ses ultimes successeurs.

Inconscient ou visionnaire, Manivel n'est pas le nouvel avatar d'un cinéma minimaliste qui aime faire croire que son vide est peuplé. Rien à voir, donc, avec Philippe Harel. Rien non plus avec l'héritage de la Nouvelle Vague. Manivel - heureux homme - n'est pas un cinéphile pur et dur.

Si Rémi Taffanel pourrait être le petit-fils de Jean-Pierre Léaud, il n'a aucun point commun avec ce m'as-tu-vu d'Antoine Doisnel. Il nage, fait de la plongée sous-marine et vomit son trop-plein de vodka. Pas bavard pour un sou, plus Don Quichotte que Don Juan, c'est un vrai poète dans un film qui, lui, n'a aucune envie d'être poétique, de faire poétique.

Là où Truffaut convoque Charles Trenet et les poètes populaires disparus, Manivel se garde bien d'abattre la carte du régional de l'étape, Georges Brassens. Rémi n'a pas vocation au vers de mirliton, même sublimement troussé. Il cherche sa voix loin du rap ou du slam sous le patronage rigoureux et prestigieux de Paul Valéry.

"Un jeune poète" de Damien Manivel n'est pas un film qui cherche à dire quelque chose sur l'époque. S'il le fait, c'est par inadvertance et il faudra le revoir dans dix ans pour savoir ce qu'il contenait de 2015.

Dans le rôle-titre, Rémi Taffarel est une révélation. De là à en conclure qu'il est un acteur, il ne faut pas exagérer. Il occupe les plans avec un petit quelque chose du Bernard Menez première manière, et ce n'est pas un mince compliment. Possible fétiche de son cinéaste, on pourra aussi le redécouvrir tout jeunot dans le court-métrage "La Dame au chien" qui valut à Damien Manivel le Prix Jean Vigo et qui précède ici la diffusion d' "Un jeune poète".

Ce petit voyage prometteur dans l'esquisse d'oeuvre de Damien Manivel est un vent de fraîcheur et un bain d'originalité. Ou, si l'on préfère, le contraire.