Monologue dramatique de Thierry Illouz dit par Yves Heck dans une mise en scène de Johann Maheut.
"Les invités" de Thierry Illouz, ou plutôt d'Yves Heck puisque c'est lui qui interprète les mots de l'auteur, c'est vous. Vous, spectateurs, qui êtes reçu chez le comédien.
Car oui, le comédien habite ici, sur ce plateau seulement habillé d'une table et d'une chaise, d'une couverture jetée en boule, d'un micro et d'un interrupteur qui lui permet de plonger ses invités dans le noir. Ce plateau est un petit deux-pièces dont il faut payer le loyer. Alors l'acteur prend des rôles.
L'acteur explique qu'il est sur scène, non par désir de se montrer, mais de mieux cacher qui il est vraiment. S'il accepte de devenir quelqu'un d'autre c'est d'abord qu'il est vide et transparent. L'acteur se présente devant le public en espérant lui plaire alors qu'il ne parle jamais de lui-même. D'ailleurs l'acteur se livre-t-il à une confession, ou joue-t-il seulement son rôle ?
En faisant tomber le quatrième mur et en prenant les spectateurs à témoin, Thierry Illouz va bien au-delà du paradoxe de l'acteur, il s'interroge aussi sur celui du spectateur : pourquoi se déplacer pour voir une carcasse qui n'est pas celle qu'elle prétend être, et pourquoi l'applaudir ?
La mise en scène de Johann Maheut joue totalement de ce paradoxe. Il y a d'abord sa scénographie dépouillée qui souligne le mensonge que raconte l'acteur et montre au spectateur son désir de croire à l'histoire qu'on lui raconte au théâtre, son envie d'accepter aveuglément le contrat narratif. Il y a aussi la voix, parfois déformée, amplifiée par le micro, qui impose une mise à distance bien que le quatrième mur soit brisé.
Quant à Yves Heck, il est parfait de sincérité, naturel, souriant, usant de charme. Qu'il nous raconte qu'il ment sans vergogne ni états d'âme, ou qu'il se confie à nous, on veut l'absoudre ou le croire, on a envie de le suivre et, en tant que spectateur, de se laisser mener par le bout du nez.
Le texte de Thierry Illouz, sous des dehors légers, se révèle malin et dense. Et ce seul-en-scène est assurément une des pépites théâtrales du moment. |