La Cinémathèque française présente une passionnante rétrospective consacrée au cinéaste italien Michelangelo Antonioni, qui a déjà fait l'objet d'une exposition à Ferrare, sa ville natale, puis à Bruxelles avec toujours en maître d'oeuvre Dominique Païni, écrivain, critique, théoricien du cinéma et ex-directeur de la Cinémathèque française, qui en propose cependant une approche différente à chaque étape.
A Paris, intitulée "Antonioni, aux origines du Pop", et organisée en collaboration avec Maria Luisa Pacelli et Barbara Guidi de la Galeire (Gallerie d'Art Moderne et contemporain de Ferrare, et Matthieu Orléan chargé des expositions temporaires à la Cinémathèque française, elle s'articule autour de la mise en perspective et en résonance de l'oeuvre antonionienne avec l'art moderne et l'art contemporain.
Michelangelo Antonioni, "le peintre des bleus à l'âme"* En effet, Dominique Païni ne conçoit pas une exposition consacrée à un cinéaste comme une petite brocante avec monstration anecdotique de costumes, décors et photos de plateau mais, nonobstant la présentation incontournable de quelques extraits de films, comme une proposition de décryptage d'une oeuvre filmique dans sa globalité à travers l'homme qui l'a conçu et réalisé.
Et ce, en partant de sa conception du cinéma comme un art plastique, d'une approche transdisciplinaire révélant les interactions synergiques entre les arts, et, en l'occurrence, du postulat que le cinéma antonionien ressort à l'abstraction métaphysique.
Soutenue par la scénographie à la ligne épurée élaborée par Nicolas Groult et Sylvain Roca, l'exposition se tient dans un unique espace de 600m², dont le volume est préservé de toute redistribution, à dominante de blanc et gris rythmée par quelques rares aplats de couleur en écho avec l'esthétique de l'oeuvre.
Formellement, elle est construite, comme l'indique le commissaire, sur le mode du plan-séquence, technique de prédilection du cinéaste et ressort également à un travelling avant bilatéral matérialisé par une longue vitrine centrale consacrées aux documents iconographiques.
Celle-ci porte le regard vers un point de fuite constitué par un mur en immense pêle-mêle d'agrandissements d'aquarelles peintes par Antonioni en quête non de l'inaccessible étoile mais des "Montagnes enchantées".
De part et d'autre, le parcours est scandé par des sections chrono-thématiques qui retracent le triangle d'or antonionien avec ses films-culte.
Rome avec "L'avventura", "La Nuit", "L'Éclipse", "Le Désert rouge","Identification d'une femme", Londres et "Blow-Up") et Hollywood avec "Zabriskie Point", "Profession : reporter".
Egalement sa quête de style et d'une actrice-muse, en premier lieu, Lucia Bose, déclinaison transalpine de la sulfureuse Louise Brooks qui fascinait Antiononi, puis son antithèse avec la blonde Monica Vitti expurgée des clichés de la femme italienne.
Par ailleurs, la navigation avec les documents d'archives met en lumière la nature auto-existentielle et introspective de sa création artistique.
Toutes dialoguent avec la peinture italienne de la première moitié du 20ème siècle, du futurisme avec Giacoma Balla, de la "metafisica" avec Giorgio de Chirico, du matiérisme avec Alberto Burri et de l'épure contemplative de Giorgio Morandi, puis avec l'expressionnisme abstrait de Mark Rothko.
Le parcours se clôt avec une section intitulée "AntonioniContemporain" qui réunit des oeuvres d'artistes contemporains, qui entrent à leur tour en résonance avec l'esthétique antonionienne.
Et le dernier film d'Antonioni, un court-métrage intitulé "Regard de Michel-Ange" dans lequel, comme un retour aux sources, le cinéaste devenu aphasique interroge l’idéal classique de la Renaissance et le silence.
Bien évidemment, l'exposition est accompagnée, dans le même lieu, d'une rétrospective complète de son oeuvre filmée à voir absolument. |