En accueillant, après Zurich et Bonn, l'exposition "Les Maîtres de la sculpture de Côte d'Ivoire" organisée par le Rietberg Museum de Zürich,
le Musée du Quai Branly propose une immersion inhabituelle dans la sculpture africaine.
En effet, les commissaires Eberhard Fischer et Lorenz Homberger qui y ont été respectivement directeur et conservateur au musée zurichois précité, se sont affranchis de la traditionnelle présentation liée aux rituels initiatiques et sacrés.
Pour présenter les sculptures sur bois de Côte d’Ivoire des 19ème et début du 20ème siècle, ils ont opté pour une muséographie privilégiant l'approche artistique des oeuvres selon un parcours géo-thématique afin d'en révéler la spécificité et la diversité tant au plan plastique et esthétique que stylistique.
En charge de la scénographie, Didier Blin a judicieusement conservé l'ampleur du grand volume de la Galerie jardin avec une division minimaliste et une combinatoire harmonieuse des vitrines.
Et celle-ci incite à une passionnante déambulation au sein de plus de trois centaines d'oeuvres attestant d'une roborative richesse iconographique.
La sculpture de Côte d'Ivoire dans toute sa splendeur
L'exposition bat en brèche l'idée reçue d'une sculpture africaine cantonnée à un artisanat "fonctionnel" et "standardisé" voué à la production d'objets rituels en démontrant la diversité de la statuaire, principalement sous forme de masques et figures sculptées, qui résulte, d'une part, de
spécificités régionales, et donc ethniques et culturelles.
Elle dégage de grandes typologies liées au lieu de production de six grandes régions artistiques de la Côte d'Ivoire ainsi qu'à l'existence d'artistes ayant leur propre signature avec un vocabulaire spécifique, les maîtres, dont le style rayonne au sein de véritables écoles de sculpture.
Ainsi, les sculpteurs de la culture Dan réalisent des masques célébrant notamment leur idéal de beauté.
Les amateurs de masques seront ébahis par leur diversité depuis les masques masques bombés à patine noire et à l’ovale arrondi entouré d’une bordure finement dentelée du Maître de Kamer de la culture Baoulé aux masques géométriques du Maître de Gonaté de la culture Gouro.
La diversité peut également se rencontrer au sein d'une même culture.
Tel le cas des des masques colorés du sculpteur gouri Boti, qui ne sont pas le résultat de l'apposition de pigments mais de peinture à l'huile avec de surcroît une composition atypique, et virtuose, de plusieurs figures.
Atypisme encore avec les Peuples des lagunes, dont le masque ne figure pas au répertoire, qui se concentrent sur des figurines réalistes avec des maîtres, tels le Maître des volumes arrondis et le Maître des beaux seins, qui affichent clairement les canons culturels.
Si la sculpture se décline souvent sous forme réaliste et dynamique, les Maîtres du style Tinkhiero du peuple Lobi, préfèrent les figures extrêmement stylisées représentées dans des attitudes statiques.
L'exposition s'achève avec la sculpture Senoufa qui se caractérise tant par une diversité iconographique que ses oeuvres de grande dimensions fruit d'une réalisation collective impliquant des savoir-faire de différents artisans et artistes.
Pourvue de cartels explicatifs accessibles au grand public tout en étant érudits, et dotée d'un espace transversal consacré aux techniques employées, l'exposition permet une visite éclairée.
Elle se clôt par une mise en résonance avec l'oeuvre de sculpteurs ivoiriens contemporains et peut se poursuivre par une promenade dans la section des arts africains du musée. |