Le troisième album du groupe vient terminer une trilogie commencée en 2009 avec Une goutte de miel dans un litre de plomb suivi de Par temps de rage sorti en 2011. Ce nouvel album apporte son lot de changements mais sans toucher à la ligne fondamentale initiée par les précédents : une guitare basse lourde et omniprésente, des textes sombres et réalistes et un engagement politique certain.
Dans le monde décrit et scandé par Marc Nammour, chanteur du groupe, le quotidien est violent. Mais c'est une violence sourde, cachée. Elle n'est pas seulement physique, mais se cache sous les traits de l'indifférence, de l'esclavage moderne ou encore des relations humaines.
Du Jura où il a grandi, à proximité du monde ouvrier, Marc Nammour a perçu les difficultés de l'existence qui jalonnent la vie des "vrais gens". C'est parce qu'il a baigné dans ce monde complexe et simple à la fois qu'il a pu s'imprégner de cette vie et de toutes ses facettes. Son déménagement en région parisienne n’a fait que renforcer ses impressions. Car d'autres inégalités encore plus criantes sont apparues à ses yeux. Tout cela créait un terreau fertile pour le projet La Canaille. Comme un écrivain naturaliste qui se serait tourné vers la chanson, La Canaille dépeint un monde difficile, âpre, mais qui se conquiert frange par frange. Chanson par chanson.
Pour autant, tout n'est pas que noirceur dans ce disque, bien au contraire. C'est d'ailleurs toute la surprise de cet opus dont même la pochette pourrait laisser penser que tout est sombre, triste et désabusé. La musique qui soutient les morceaux a évolué. Les apparitions d'invités se sont renforcées. La production du morceau "Briller dans le noir" en est la preuve éclatante : la chanson sonne électro et Sir Jean (Le peuple de l’herbe) pose son ragga inégalable. Les collaborations artistiques sont encore plus variées que sur les albums précédents car en plus de Sir Jean précédemment cité, on croise DJ Pone (Birdy Nam Nam) et Serge Teyssot-Gay ainsi que le très prometteur Lazare qui éblouit par sa performance sur "Omar". Il convient enfin de citer aussi Lorenzo Bianchi, issu de l’IRCAM qui produit le morceau "Décalé" avec juste un beat, quelques bruitages accompagnant la voix de Marc Nammour pour aboutir à une production particulièrement léchée.
L'engagement politique reste toujours aussi fort et ne peut être nié quand on écoute le vibrant "Jamais Nationale". Les phrases "Ecoute-la cette voix dégueuler sur les ondes" / "Ça pue, j'ai la Nausée" / "Mon identité ne sera jamais nationale" laisse peu de doute quant à l'orientation. L'appel est clair et sincère, comme en témoigne la phrase "Je ne suis que le porte-parole de la mienne" lancé au public des Vieilles Charrues en 2011.
D’autres thèmes défilent ensuite et viennent brosser le portrait d’un monde qui se construit avec nous. "Encore un peu" raconte l'histoire tristement banale d'un couple en constante précarité pour lequel chaque nouvelle journée est un défi. Ensuite l'esclavage moderne se rappelle à nous sur le titre "Monsieur Madame" avec son rythme syncopé tellement dérangeant. "Omar" est une pépite dans l'album, sorte de fresque grandiloquente, de court-métrage audio dans lequel la guitare basse pose une ambiance glauque dans laquelle la détresse humaine suinte des murs et où Lazare déclame ses phrases avec un flot et une réverbération qui semble déchirer ce décor angoissant.
C'est donc un album très construit, assez novateur quoique dans la continuité. Même si le titre "Quelque chose se prépare" d'introduction reste dans la veine des albums précédents, il faut savoir le dépasser pour aller au-delà et découvrir de nouveaux sons et ambiances constamment modelées en fonction des apports extérieurs. Assurément un album à découvrir.
Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.