Après avoir bravé durant quelques heures vents étourdissants et labyrinthiques tunnels autoroutiers, l’Europavox et ses dix bougies s’offrent enfin à moi... Ce vendredi n’est pas l’ouverture officielle du festival, plutôt un before (très) calme sous le signe d’une mise en bouche pourtant rock’n’roll. Très calme parce qu’il règne clairement un faux rythme autour du Polydôme (les stands attendent, l’agitation humaine est réduite à sa portion congrue) et que le concert de ce soir n’est pas sold out : la petite Coopérative de Mai (que j’aime découvrir ce genre de lieu !) est loin d’être remplie... De fait, puisqu’il faut attendre le chaland, les concerts commenceront avec pas mal de retard...
Half White Half Blue
Malheureusement, ce jeune groupe en provenance de Bratislava ne remportera pas la palme de l’originalité musicale 2015. Si une vidéo de démo, glanée sur Internet et tournée en 2013, prouve que leur son d’origine était plutôt brut et intéressant, la version live de ce soir m’agace assez rapidement : je ne comprends pas cette manie, de plus en plus fréquente, qui consiste à avoir recours à un ordinateur pour transformer (lire ici : altérer et non sublimer) son son, en l’augmentant d’effets divers et variés – sachant surtout que le synthétiseur a clairement, dans ce genre de configuration, le vent en poupe depuis quelques années (appelons cela la régression années 80). Quelques titres sortent malgré tout du lot, et les petits ont quand même réussi, pour le dernier morceau, à lâcher plus de lest scénique. J’ai, pourtant, envie de dire que le public s’en moque un peu, bougeant la tête sans conviction, là pour autre chose, visiblement peu enclin à porter un groupe qui fait son travail de première partie sans transcender. Spéciale dédicace à leur photographe sans doute officiel, qui se met devant le leader en plein concert pour faire quelques minutes de captation vidéo... Et qui a parasité tout le live de son omniprésence sur scène.
Carl Barât and the Jackals
Carl Barât and the Jackals fait partie de ces groupes dont la généalogie tourmentée de ses membres laisse rêveur. Co-leader des Libertines – dont on attend toujours l’album, véritable "arlésienne" depuis un an –, Carl Barât impose en quelques secondes une présence forte et sympathique à la petite Coopérative de Mai. Le leader prouve qu’on n’a pas besoin de casser des guitares pour être un (vrai) rockeur, et que la dextérité reste malgré tout un critère de reconnaissance car d’admiration dans le milieu musical. Si la première moitié du set se révèle très électrique – et très portée punk rock –, si "Glory Days" n’usurpe pas son côté "tube" depuis quelques mois (et la sortie de l’album Let It Reign), avouons que c’est lorsque Barât se retrouve seul sur scène, en mode quasi acoustique, pour chantonner trois beaux petits titres (dont l’exceptionnel "The Ballad of Grimaldi"), le regard droit et l’âme sans doute ailleurs, c’est-à-dire à la source de ses textes, que le cœur s’emballe définitivement. Un set brillant et chaleureux, tout en honnêteté et en émotions brutes... Le public ne s’y trompe pas, mais peine à lâcher ses chiens intérieurs : un peu froid, tout de même...
L’oreille toujours traînante, je n’entends que du bien du concert de Meshell Ndegeocello, qui a eu lieu la veille, et vu ce concert en tous points parfaits de Barât et de ses chacals, il est clair qu’Europavox a déjà mis toutes les chances de son côté pour qu’on ne l’accuse pas d’avoir fait le choix d’une programmation exclusivement consensuelle... |