Comédie dramatique de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Lilo Baur, avec Claude Mathieu, Véronique Vella (en alternance Anne Kessler), Cécile Brune, Sylvia Bergé, Florence Viala, Coraly Zahonero, Elsa Lepoivre; Adeline d'Hermy, Jennifer Decker, Elliot Jenicot et Claire de La Rüe.
Connue en France sous le nom de "La Maison de Bernarda Alba", cette œuvre essentielle du grand poète espagnol Federico Garcia Lorca évoque avec force la volonté de pouvoir d’une mère sur sa progéniture, imposant l’absurde arrêt de la vie pour contrer sa mort, inscrite inéluctablement.
Veuve anéantie, flanquée de six filles restées "filles", Bernarda clôt sa maison, appuyée sur une tradition âpre de long deuil, pratiquée en Andalousie, détruisant l’espoir en l’avenir, niant le désir naturel de l’autre sexe, exerçant sa férule matriarcale avec sauvagerie. La révolte gronde mais l’ordre imposé règne, jusqu’au jour où…
Cette pièce forte et universelle, jamais montée du vivant de Lorca, frappe par sa densité, la violence des sens, la chaleur présente du climat du Sud.
Pièce sur les femmes, où l’homme est phantasme, ombre introduite, voix allant aux champs, désir entrevu, elle ne saurait être apparentée à un brûlot féministe et le metteur en scène Lilo Baur - malgré un e saugrenu à "metteur" - l’a bien compris.
Suissesse, elle parait transposer toutefois l’action dans un lieu d’elle plus connu que l’Espagne incandescente, seule réserve à une réussite esthétique évidente, due également à la scénographie savante d’Andrew D. Edwards, aux costumes d’Agnès Falque et aux lumières "éclairées" de Fabrice Kebour. Pas d’abus de musique couvrant le texte, celle de Mich Ochowiak s’écoutant agréablement.
La distribution est éclatante, comme toujours dans cette maison. Cécile Brune est Bernarda, impériale, étouffante mante religieuse se délectant des femelles issues de son ventre, terrible, implacable, souveraine. Anne Kessler, parfaite dans le rôle d’Angustias, vieille fille encore vibrante fait face à Sylvia Bergé et Elsa Lepoivre, métamorphosées en laiderons, époustouflantes,
Claude Mathieu, irrésistible et ricanante servante, aux côtés d’Adeline d’Hermy, bouleversante Adela résistant à la furie de la mère, Claire de la Rüe du Can, excellente et Elliot Jenicot, le loup-garou, l’Homme avec un H majuscule comme une échelle d’évasion, à son habitude, déroutant de présence.
Toute la troupe est au diapason. L’émotion monte, comme la température. Peinture cruelle et irrespectueuse de la domination féminine, drame poétique sur le deuil de l’autre sexe, texte ultra-contemporain sur l’enfermement intime, cette "Maison de Bernarda Alba" provoque par son amertume, liqueur non éventée. |