Comédie dramatique de Israël Horovitz, mise en scène de Dimitri Dubreucq, avec Alban Gérome, Sylvain Savard, Pierre-Marie Schneider, Guillaume Tagnati et Lou Tordjman.
Difficile de rendre une mauvaise copie avec une aussi bonne pièce que celle d'Israël Horovitz. Mais, paradoxalement, difficile aussi de viser l'excellence tant "Le Premier" nécessite de rigueur et de rythme.
Le pari sera pourtant tenu, et de belle façon, par Dimitri Dubreucq et ses cinq acteurs, Alban Gérome, Sylvain Savard, Pierre-Marie Schneider, Guillaume Tagnati et Lou Tordjman. En une heure et quart, ils vont prouver au bout d'un certain tumulte que la file d'attente est une métaphore de l'existence humaine.
Sur une estrade exiguë, à hauteur d'une marche d'escalier, qui trône au milieu de la scène, cinq personnages en quête d'on ne sait jamais quoi, vont tenter d'être le "premier". Cet objectif primaire, manichéen, cette lutte des places dérisoire devient une obsession absolue, viscérale et pour la réalisation de laquelle tous les mauvais coups seront permis.
Qu'attendent-ils, au fait ? On ne le saura jamais. Qui sont-ils ? S'ils donnent tous quelques indices vestimentaires sur leur vérité sociologique, qu'ils fournissent également quelques indications psychologiques sur leurs caractères dans leurs agissement respectifs, on ne peut cependant pas les cerner complètement.
L'un d'entre eux est venu avec une grande valise. Deux autres forment un couple, d'ailleurs mal assorti et dont on ne comprendra pas trop le fonctionnement puisque la femme ne sera pas farouche avec les autres hommes sans que cela provoque la jalousie de son compagnon.
Tous les éléments épars concédés par Horovitz pour bâtir chacun des personnages peuvent avoir leur importance comme n'en avoir aucune. Tout fluctue dans le brouhaha général, même la ligne blanche, qui matérialise le début de la queue ou le lieu du départ.
En anglais, la pièce s'intitule "The Line", et ce titre est peut-être plus explicite que "Le Premier". Il s'agit de se tenir sur le qui-vive, pas forcément d'écraser ses partenaires-adversaires, mais de prendre place au plus près de la ligne de départ. On verra d'ailleurs au final ce qui adviendra de cette fameuse ligne et comment Horovitz résoudra le casse-tête qu'il a lui-même initié.
Traduite excellemment par Claude Roy, la pièce d'Horovtiz est un petit bijou théâtral qui, une quarantaine d'années après sa création, n'a toujours pas livré ses secrets. Elle est pleine de mystère mais jamais opaque. Elle démontrera à ceux qui ne connaissent pas les ressorts du spectacle vivant tout ce qu'il peut faire vibrer chez son spectateur.
Elle confirme qu'Israël Horovitz, dont on a vanté récemment le premier long-métrage, "My Old Lady" est déjà presque un classique. Dimitri Dubreucq l'a bien compris, lui qui a placé le respect de son texte en condition sine qua non pour réussir à le mettre en scène sans jamais le trahir.
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