Raphaël : chanteur issu d’un milieu bourgeois, à l’allure androgyne, qui a vendu 1,8 millions CD du même album il y a une décennie, dont les textes frôlent parfois la poésie ou le surréalisme… Bref, auteur / compositeur / interprète qu’il est assez bien vu de mépriser en arguant un côté "commercial", assez usurpé au vu de ses deux derniers opus tellement sombres et en décalage avec Caravanes que peu d’oreilles se sont hasardées à les écouter.
Cette fois, il revient avec Somnambules, un album sur l’enfance, accompagné d’une chorale d’enfants ; ça sent bon le flop et la niaiserie. Sauf que non, et c’est heureux ; durant les 32 minutes de ce disque, on se régale !
L’enfance made in Raphaël, ce n’est pas un package rose-bonbons acidulés, sourires et bienveillance. Cela aurait pu, vu la sienne (en tout cas, ce qu’il en dit). Mais l’époque n’est pas à la niaiserie. Dans ses textes, on retrouve la violence des angoisses enfantines ("Somnambules") de l’éducation ("Arsenal"), la violence des bagarres "pour rien" si ce n’est pour la fraternité ou le sentiment d’appartenance à un groupe qui naît de ces bastons ("Sur mon dos"), la violence sociale ("Ca sent l’essence"), la violence de la solitude intime quand un drame endeuille le cocon familial censé protéger ("Maladie de cœur"), la violence de la nostalgie ("Ramène-moi en arrière").
Des paroles sombres, une voix grave. De l’acoustique exclusivement. Mais au milieu de cette tristesse, la légèreté et la vivacité des voix d’enfants d’une chorale d’école, absolument pas professionnelle, qui portent Raphaël et l’emportent comme des eaux vives. La tendresse du chanteur, jeune papa, afflue également, pas de digue possible, c’est bien là. La chaleur de ses paroles susurrées dans "Tous mes petits enfants" (sur une voix aigue exceptionnellement), leur empathie dans "Somnambule", leur douceur dans "Sur mon dos" constituent le "petit truc en plus" de cet album, indéniablement.
Il y a quelques années déjà, Raphaël avait assuré lors d’une interview télé qu’être en couple et avoir un enfant, c’était ça la liberté. Parce que cette bulle d’amour formait une base solide qui protégeait de tout et donc permettait tout. Le chanteur a réussi à faire ressentir cette idée dans Somnambules. Mais il s’y dégage aussi et surtout une impression paradoxale de tendresse et de brutalité, de naïveté et de dureté, toutes ces émotions et ces vérités propres à l’enfance.
Somnambules est un album qui laisse, une fois encore, des mélodies et des textes qui s’éparpillent et tournent dans la tête. Peut-être le meilleur opus de Raphaël, même s’il connaîtra certainement un accueil plus mitigé car un peu moins aisé à saisir que Caravanes.
Avec la mort de Lynch, c'est un pan entier de la pop culture qui disparait, comme ça, sans crier gare. Il reste de toute façon sa discographie qui n'a pas attendu sa mort pour être essentielle. Pour le reste, voici le sommaire. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !