Comédie dramatique de Rémi De Vos interprétée par Carole Thibaut et Jacques Descorde.

L'enfer conjugal décliné par Rémi De Vos c'est "Occident" qui opère la dissection sans concession, sur toile de fond de haine et de racisme ordinaires, d'un couple usé à l'amour encore vivace qui refuse de mourir et qui, inlassablement, se déchire en recommençant chaque soir la même danse de mort.

Dans cette thématique, l'humour noir et la plume corrosive de Rémi De Vos s'épanouissent dans une partition qui, sous un flot interrompu d'injures, révèle l'humanité de deux naufragés partageant le même radeau du désespoir.

Lui, toujours éméché à la fin de ses tournées de bar, vomit sur l'homme en général mais également sur lui, celui qu'il est devenu, homme confronté au vide existentiel et à sa double impuissance, sexuelle et littéraire, écrivain devenu improductif et alcoolique à la libido anesthésiée.

Elle, impitoyable, jamais recluse dans une attitude victimaire, est fidèle au poste, attendant impertubablement chaque retour de beuverie pour réitérer, en la suscitant et l'alimentant de sa rancoeur, leur

Dans une salle configurée en bi-frontal, Carole Thibaut et Jacques Descorde situent ce pandémonium matrimonial, qui est rythmé de manière inattendue par la chanson "Et si tu n'existais pas" de Jo Dassin, se déploie en un terrible face-à-face avec des escalades verbales qui vont jusqu'à la menace de mort, sans échappatoire possible, dans une cuisine sommaire signifiée par la table en formica symbole du domestique prolétaire.

Chacun assis en bout de table, ils délivrent cet infernal huis-clos intime en écartant le registre du réalisme misérabiliste et tragique, qui aurait pu également fonctionner, et optant pour celui de la tragi-comédie, certes violente et grinçante par ses leviers que sont l'avilissement et l'humiliation, pour camper un couple "à la vie à la mort" au fonctionnement singulier basé sur un modus vivendi sado-masochiste.

Jacques Descorde adopte judicieusement un jeu mid-tempo pour incarner une violence verbale autodestructrice qui se délite dans l'apathie. Carole Thibaut, sur laquelle repose, de surcroît, la tâche d'impulser la rythmique de ce difficile exercice, est parfaite en épouse frustrée et douloureuse qui résiste à l'anéantissement et paraît, sous une dérision venimeuse, manipulatrice face à un homme qui demeure, malgré tout, "son" homme.

Ils livrent une partition brève et puissante comme un éclair. Peut-être celui qui déchirera enfin le ciel sombre de cet Occident.