Comédie dramatique d’après Anton Tchekhov, mise en scène de Heidi-Eva Clavier, avec Hélène Bressiant, Julien Barret, Elsa Epi, Maxime Gleizes, Guillaume Laloux, Laureline Le Bris-Cep, Pauline Tricot et Gabriel Tur.
Il n'est pas une saison théâtrale sans un "Ivanov" à l'affiche passé au tamis d'une "relecture" plus ou moins inspirée et, pour sa première mise en scène, la comédienne Heidi-Eva Clavier, issue de la promotion 2010-2013 de l'Erac, n'ambitionne pas moins, avec cette naïveté présomptueuse qui est le privilège la jeunesse, de remanier la partition tchekhovienne.
En effet, avec son adaptation intitulée "Ivan Off", elle supprime des scènes et des personnages et, surtout, elle coupe le caquet à Ivanov, qui devient une figure mutique, pour, indique-t-elle dans sa note d'intention, au terme d'"une enquête sur le silence", "dialoguer avec Tchekhov" et "percer le mystère de cet homme qui ne répond jamais".
Si, in abstracto, la tentative de tracer un portrait croisé du personnage-titre à partir de ceux esquissés par les autres personnages qui ont chacun "leur" Ivanov pourrait s'avérer pertinente dans le cadre d'une restructuration dramatique, en l'espèce, faire de Ivanov un personnage mutique et "mystérieux" en amputant la partition originale réduite à une "comédie dramatique avec héros muet", et, par ailleurs dépourvue de valeur ajoutée, n'est guère convaincante.
Par ailleurs, il y a de la complexité et de l'ambiguïté, mais point de mystère, dans le personnage d'Ivanov, homme désenchanté et désabusé saisi du vide existentiel et confronté à la lassitude, à l'ennui et l'échec, qui, entre découragement et irrésolution, sombre dans la mélancolie et que Tchekhov cerne avec précision.
En maître d'oeuvre, Heidi-Eva Clavier signe également la scénographie, qui tient essentiellement à un pré-carré recouvert de terre, sans doute métaphore du milieu de la petite bourgeoisie encore embourbée dans ses racines paysannes dans lequel se situe l'intrigue.
Les acteurs y officient consciencieusement dans une succession de scènes scandées notamment par quelques tubes des seventies, le vintage incontournable de la doxa de la "jeune scène émergente" dont l'inoxydable "l will survive" immortalisé par Gloria Gaynor et chanté en l'espèce par l'épouse mourante (Laureline Le Bris-Cep) d'un Ivanov amorphe, défini par sa seule posture romantique (Guillaume Laloux), et son médecin-répétiteur (Gabriel-Tur).
Le divertissement est assuré par Maxime Gleizes dans le rôle d'un intendant jovial et amuseur public au sein de la petite société de Zinaïda-Zidounette, Harpagon en jupon interprétée par Hélène Bressiant, composée de son époux aux ordres (Julien Barret), de sa fille Sacha amoureuse de Ivanov (Pauline Tricot) et d'une pulpeuse veuve joyeuse (Elsa Epi). |