Fable politique de Davide Carnevali, mise en scène par Fabrizio Arcuri, avec Matteo Angius, Michele Di Mauro et Francesca Mazza.
Sur toile de fond de la construction d'une identité européenne, le jeune dramaturge italien Davide Carnevali livre avec "Sweet Home Europa" une intelligente et subtile partition, qu'il indique être une variation contemporaine des deux premiers livres de de la Bible, la Genèse et l'Exode, qui ne verse ni dans le didactisme ni dans le militantisme et passe par la satire allégorique, l'ironie et d'humour.
Sous forme d'apologue, entendu non comme une comptine enfantine, mais comme une structure capable de réaliser une synthèse d'événements dans la discontinuité in(temporelle), elle brasse de nombreuses thématiques, tels notamment l'image hégémonique d'une Europe chrétienne, le choc Nord-Sud des civilisations et des cultures, le malaise identitaire, les phénomènes migratoires et l’intégration.
Celles-ci sont combinées avec une réflexion sur la mémoire, celle historique résultant de l'Histoire telle qu'elle est (re)construite par les historiens, la mémoire collective résultant des traditions nationales souvent orales qui fondent l'histoire des peuples et la mémoire familiale qui nourrit l'histoire privée, avec l'imbrication de micro-histoires dans la macro Histoire.
Ce propos, fort et dense, se développe dans une fresque mosaïcienne en douze chapitres, stations christiques ou étoiles de l'Europe des Douze, comportant en inserts des petites fables avec leur morale et leur sens cryptique, dont celles récurrentes et polysémiques du pageot ou de l'agriculteur et du pêcheur.
L'écriture est claire et limpide même si elle propose plusieurs niveaux de lecture et met en scène des personnages antithétiques et indéterminés à l'identité protéiforme, archétypes du migrant, du puissant et
Dans une scénographie de Gaudi et Enrico Riccardo Dondana (3tolo), une façade de plaques de béton brute utilisées pour les constructions urbaines en fond de scène et trois jetées en ciment/bois qui se lancent à l'assaut du futur, le spectacle, ponctué de quelques brefs intermèdes avec, au chant, la superbe performeuse vocale NicoNote accompagnée par Davide Arneodo et Luca Bergia, membres du groupe de rock noise Marlene Kuntz, et de sculptures "explosives", est mis en scène de manière pertinente et néanmoins divertissante par Fabrizio Arcuri.
Il a opté pour le bienvenu registre de la tragi-comédie et dirige trois comédiens épatants. Matteo Angius, Michele Di Mauro et Francesca Mazza changent de casquette comme de discours avec fluidité et animent avec talent cette édifiante et saisissante épopée de "la maison européenne".
La révélation d'un auteur dramatique à suivre absolument - "Sweet Home Europa" est le premier volet d'un diptyque en achèvement d'écriture - et une belle prestation du théâtre transalpin à découvrir absolument.
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