Quatrième édition des Francos Gourmandes à Tournus en ce mois de juin 2015 : les esprits bourguignons se sont-ils apaisés depuis l’implantation fortement contestée de ce festival gourmand sur leurs terres ? Pas vraiment. Les âpres négociations qui en ce début d’année civile ont permis de décider si le festival allait perdurer ont été largement relayées par les médias locaux ; certains (beaucoup, dont je fus) ne cachèrent pas leur étonnement en voyant que les coupes sombres des municipalités et conseils régionaux français en terme de subventions culturelles n’atteignaient pas les Francos Gourmandes. Polémique politique, conception de la "culture" : trouble mélange qui donne depuis quelques années déjà un goût plutôt amer à chaque édition.
On ne peut pas dire pourtant que le festival s’entête sans réflexion. Suivant son évolution depuis 2012, je ne peux que constater les diverses reconfigurations qui, chaque année, tente d’améliorer la recette "Francos Gourmandes" - du nombre de jours au nombre de scènes, en passant par le nombre d’exposants... Les choses s’affinent, certes, mais il est possible de "tiquer" sur certains points : tablant sur l’insertion locale des acteurs (gastronomiques et musicaux) pour implanter au mieux sa structure, cette édition 2015 fut riche en chefs mais pauvre en groupes locaux (là où l’édition 2014 avait joué une belle carte)...
Pour ce vendredi 12 juin, le menu est assez éclectique : du hip hop (Skrib), de l’électro-pop (Pethrol), du reggae (Sinsémilia), du folk-rock (Asaf Avidan), et du... Enfin, Fauve, quoi.
Skrib est un rappeur naissant à la plume acéré et au flow déjà bien assuré. Pour l’ouverture d’un festival souvent considéré comme "familial", il est clair que le jeune homme réussit un tour de passe-passe plutôt étonnant, en raison sans doute d’une énergie communicative que cherchent à capter d’emblée les premiers festivaliers. Skrib représente parfaitement l’idée que je me fais d’un certain (bon) rap : une chose vindicative sans être forcément violente, une révolte malgré tout empreinte, dans les textes et la musique, d’une grande naïveté et ce en dépit de l’authenticité de l’expérience racontée. Déformation professionnelle qui ne tient qu’à moi : les petites faiblesses des textes m’apparaissent toujours comme des éléments rédhibitoires, quand quelques perles lexicales viennent à me faire hocher la tête avec approbation – le rappeur n’échappe pas à cette règle personnelle involontaire. Néanmoins : Skrib est un homme à suivre, s’il poursuit son chemin avec exigence et patience.
Ayant raté des milliers d’occasions de voir Pethrol sur scène, il m’est agréable de pouvoir, assise dans l’herbe fraîche, déguster leur concert. Le duo fille-garçon a le vent en poupe, mais celui-ci a sans nul doute une saveur particulière qui n’est pas seulement liée au doux effet de mode de l’électro-pop. Il y a d’abord la discrétion percutante de Cédric Sanjuan et le naturel déconcertant d’Héloïse Derly, il y a ensuite cette fameuse hybridité des genres qui s’installe sans qu’on y prenne garde et cette (très bonne) surprise de tomber sur une musique douce, travaillée et intelligemment complexe.
Ceux qui me suivent ici savent que le reggae... Bon. Sinsémilia quand même. Les dreads ont blanchi, mais le discours est toujours aussi engagé. Entre chaque morceau, on agite les consciences avec la même verve et la même conviction qu’il y a... longtemps. Et c’est tout à leur honneur, puisqu’on fréquente assez les festivals pour savoir que ces prises de position sont plutôt rares. Les morceaux intimistes plaisent aux fans qui chantent une phrase sur deux – de "Tout le bonheur du monde" à la "Mauvaise réputation" de feu Brassens. Et là, tombe la pluie, tombe la pluie.
C’est, approximativement, la septième fois que je vois monsieur Asaf Avidan sur scène. Suis-je lassée ? Point du tout, car de tous ses concerts, celui-ci fut le plus sincère, le plus naturel et le plus généreux de ma collection – en terme de musique, de lumière (lire : photographie !) que de rapport au public. Avidan est un précieux donateur de la chose musicale, qui sait être populaire et proche de son public sans métamorphoser sa musique en une infâme soupe – sa voix, de toute façon, et la façon dont il l’exploite, l’en empêchera...
Pour le reste... Je vous propose une équation simple : pas de photos autorisées = pas de chronique du concert de Fauve. J’aurais aimé faire du flou artistique et délicat avec leur dos et leurs mots, mais les compères en ont décidé autrement. Tant pis. |