Spectacle conçu et mis en scène par Elizabeth Czerczuk, avec Zbigniew Rola, Agnieszka Grzybowska, Derwinn Green, Julien Villacampa Boya Saura, Hélène Hazaël, Grzegorz Onyszkiewicz, Barbara Medynska-Orzelowska, Ewa Barton et Chantal Pavese.
2015 marque le centenaire de la naissance de Tadeusz Kantor, une des figures-phare de l'âge d'or du théâtre polonais, peintre, écrivain, metteur en scène et théoricien radical du théâtre.
Formé initialement à la peinture et à la scénographie, il signe un théâtre plasticien, influencé par le constructivisme, le dadaïsme, le surréalisme et la quête de la forme pure, qui ne se veut pas la reproduction du réel mais en appelle à un autre regard sur le monde pour constituer un théâtre qu'il qualifie de "théâtre de la mort" fondé sur l'expression du souvenir, du vide et du néant, qui serait une oeuvre d'art en mouvement.
Né dans un siècle de guerre et de mort, Kantor porte également en lui a douleur vive du peuple de Pologne dont l'Histoire contemporaine est celle d'une terre envahie, occupée, annexée, dépecée puis intégrée de force au bloc soviétique.
En marge des grandes messes commémoratives institutionnelles, dans un lieu plus confidentiel, celui de son Thèâtre-Laboratoire, Elizabeth Czerczuk, comédienne et metteuse en scène formée dans sa Pologne natale, a conçu non pas un spectacle "in memoriam" mais un hommage à l'une de ses figures tutélaires.
Intitulé "Le banc de l'école", il s'entend comme un préquel à "La classe morte", opus majeur de Tadeusz Kantor monté en 1977 et devenu mythique, qui présente une macabre sarabande du souvenir au sein d'une modeste et rudimentaire salle de classe désaffectée dans laquelle, dans une superposition des espaces spatio-temporels, trottinent, tels des automates, des vieillards dotés d'un attribut personnel signifiant, et portant tous sur le dos la dépouille de l'enfant qu'ils furent.
Elizabeth Czerczuk y décline, entre autres et avec sagacité, les fondamentaux kantoriens que sont l'association corps-objet, présente dès les années 1940 dans les peintures de Kantor, la figure du voyageur naufragé dans l'espace temps avec sa valise-bouée contenant des fragments de vie rescapés et le mouvement continuel poavec de brusques immobilités telles un arrêt sur image.
Sur scène, sous les lumières crépusculaires de Sharron Printz et accompagnés des compositions musicales de Matthieu Vonin, la troupe menée par Elizabeth Czerczuk convoque, avec un jeu émérite, les équivoques et fantomatiques personnages kantoriens, toujours dans leur attitudes psychotiques et compulsives, mais dans un entre-deux âges, alors que "leur" enfant ne les a pas encore tous vampirisé.
Nombre de témoignages d'époque évoquent la composante hypnotique des spectacles de Tadeusz Kantor. Celle-ci est ici présente, comme dans tous les spectacles inscrits dans ce registre de non-théâtre, que signe Elizabeth Czerczuk qui laissent une trace sensible et "métaphysique". Et ce bienvenu et fervent hommage est à découvrir absolument.
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