Un peu plus de deux mois après la sortie du film documentaire qu’il a co-réalisé, Pulp, A Film About Death & Supermarkets, Jarvis Cocker, le leader du groupe de Sheffield, s’expose sur de nouvelles toiles. Un deuxième retour en images qui illustre à nouveau toute la palette de ses talents : vingt macarons de disques d’or qui lui auraient été attribués et dont il a imaginé et peint à la main le contenu : titre de chanson, maison de production, année de pressage…
Cette orchestration d’un faux come-back discographique, dans un registre inattendu et sur des vinyles fictifs, est une manière aussi malicieuse que subtile de poursuivre l’exploration de la pop culture initiée avec ledit long métrage. Soit une réponse teintée d’un humour tout britannique à ceux qui, à l’issue de la tournée triomphale (d’adieu ?) de 2012 clôturée dans sa ville natale le 8 décembre, lui demandait s’il travaillait sur un nouveau disque.
En pleine gueule de bois et dans un flou artistique total quant à son avenir musical, le dandy taquin a vu une lueur éclairer d’un nouveau jour son regard sur le succès. Le mirage d’une carrière fantasmée, des années 60 à aujourd’hui, faite de hits-singles sur 45 tours pour tous les labels qu’il affectionne (Motown, Disques Vogue, Polydor, Capitol, Rough Trade…) et dont il aurait vendu plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.
Les explications de Jarvis Cocker :
Chimérique, cette auto-consécration sur galettes du métal rare et précieux fascine autant qu’elle prête à sourire d’ironie et de tendresse. Surtout, elle interroge le concept de "tube" et désacralise sa représentation matérielle. Ou comment la quête du Graal du musicien aboutit à un objet mythique mais désuet – le nombre de ventes nécessaires pour obtenir un disque d’or ne fait que diminuer – et qui repose sur du virtuel depuis le MP3. Un bibelot kitsch qui n’a d’autre valeur que celle que lui porte notre inconscient collectif de Common People.
Comme il l’a fait à l’écran, c’est d’ailleurs au public et aux fans que Jarvis Cocker rend hommage. Dans la galerie, au milieu du tableau de chasse rêvé, des postes de télévision diffusent des images d’adolescents en liesse, hurlant et applaudissant, issues d’une émission musicale anglaise des années 80. Un sens du partage cher au compositeur, disponible et attentif aux visiteurs lors du vernissage. Marque d’attention, les premiers se verront d’ailleurs offrir la bande-son spécialement composée pour l’occasion, avec le Dj et producteur français Pilooski et la harpiste anglaise Serafina Steer, dans les studios parisiens de Red Bull.
Inspirés par les propriétés spirituelles de l'or, ces trois instrumentaux ("Panning For Gold", "Golden Chains", "A Mine Of Information") avant-gardistes, dépouillés et inquiétants, sont hantés par la voix-off du chanteur. Un paysage austère et déroutant qui n’est pas sans rappeler l’ambiance glaciale distillée lors de son Dj set en première partie du concert de The Pastels le 2 juillet 2014 à La Gaité Lyrique. Toujours là où l’on ne l’y attend pas, Jarvis Cocker mixait cinéma et littérature (dialogues de films, paroles de Michel Houellebecq).
Diamétralement opposée à ce qui pourrait devenir un disque d’or, cette œuvre insaisissable fait l’objet d’une édition vinyle limitée à 1 000 exemplaires, hors commerce. Un trophée à accrocher dans votre salon. |