Comédie dramatique d'après le film éponyme de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène de Thomas Ostermeier, avec Thomas Bading, Robert Beyer, Moritz Gottwald, Ursina Lardi et Sebastian Schwarz.
Fassbinder/Ostermeier : une génération sépare ces deux natifs de Bavière que le nom et la notoriété dispensent de citer leur prénom.
Et le metteur en scène Thomas Ostermeier se confronte à l'oeuvre du premier avec l'adaptation théâtrale du scénario écrit par Peter Märthesheimer et Pea Fröhlich pour "Le mariage de Maria Braun".
Elaborée avec la collaboration de Julia Lochte et Florian Borchmeyer pour la dramaturgie, elle opère sans dénaturation ni recontextualisation, ce qui rassurera les exégètes gardiens du mythe fassbindérien.
En effet, Ostermeier reprend à son compte l'analyse critique de Rainer Waerner Fassbinder sur le miracle de la reconstruction allemande de l'après-seconde guerre mondiale fondé sur la primauté du matérialisme et la déliquescence morale, dont la vie de Maria Braun constitue la métaphore, qu'il estime transposable à la Situation de l'Allemagne de l'après chute du mur de Berlin où le consumérisme fait office de projet existentiel.
Par ailleurs, il officie en tant que dramaturge et sa proposition doit être appréhendée hors du systématisme d'une rhétorique de comparaison avec le film, qui, au demeurant, n'est pas exempt de théâtralité, le réalisateur ayant également été auteur dramatique.
Ainsi, écartant la peinture de moeurs mélodramatique et comme le portrait "in illo tempore" de la " trümmerfrau", il se concentre sur l'action tragique intemporelle. Car la vie de Maria Braun est placée sous le signe d'un fatum inéluctable qui va la détruire.
Tout et tous, les événements et les hommes, se liguent contre cette femme, vestale d'un seul et grand amour, ce qui lui confère la pureté et la grandeur de la figure héroïque, pour contrarier toute promesse de bonheur. La guerre et la prison lui dérobe son "hermann" et celui-ci se dérobe également à cet amour en acceptant d'endosser un crime qu'il n'a pas commis puis, libéré, en s'expatriant au motif de retrouver sa dignité.
Tout et tous, les événements et les hommes, se liguent contre cette femme, vestale d'un seul et grand amour, ce qui lui confère la pureté et la grandeur de la figure héroïque, pour contrarier toute promesse de bonheur. La guerre et la prison lui dérobe son "hermann" et celui-ci se dérobe également à cet amour en acceptant d'endosser un crime qu'il n'a pas commis puis, libéré, en s'expatriant au motif de retrouver sa dignité.
Et pendant plus de dix années d'attente pénélopienne, dans une sorte d'ubiquité schizophrénique, Maria Braun ne songe qu'à l'argent nécessaire pour leur future vie commune et se consacre à son ascension sociale par la voie de la prostitution utile, de la fille à soldats américains à la maitresse d'un industriel, sans que cette pratique ne l'avilisse.
Certes, avec son attitude de femme émancipée, néanmoins inféodée à un homme par amour, et les images d'archives des jeunes filles et femmes aryennes énamourées et totalement (dé)vouées à leur héros Hitler projetées en prologue par Ostermeier sont à cet égard inquiétantes, elle déroge à "la règle des trois K" mais elle vit dans une société conformiste qui n'a pas abandonné sa vision "nationale-socialiste" de la femme condamnée à l'univers domestique et un monde d'hommes qui n'est pas disposé à renoncer au potentat masculin.
Intelligence, subtilité et rigueur caractérisent la mise en scène de Thomas Ostermeier qui ne verse jamais dans la reconstitution historique, nonobstant quelques inserts vidéograhiques ciblés, ni dans l'anecdotisme ni dans le sentimentalisme, s'abstient même de tout réalisme appuyé en adoptant la focale de la distanciation et adopte un rythme cinétique qui mise, à la manière du procédé du fondu-enchaîné, sur la rapidité et la fluidité de l'emboîtage des scènes obtenues notamment par les changements à vue.
Dans un unique décor hopperien, celui d'un vaste salon d'hôtel, scénographie épurée de Nina Wetzel, le mobilier vintage chic des années 1950-1960 sert d'éléments protéiformes pour dessiner les différents lieux, tous impersonnels, et uniquement signifiés par un luminaire adéquat, dans lesquels le personnage-titre ne s'installe jamais, comme toujours de passage au milieu de la ronde des personnages de sa vie interprétés avec justesse par les comédiens Sebastian Schwartz, Robert Beyer, Moritz Gottwald et Thomas Bading.
pour Thomas Ostermeier, Maria Braun n'est pas une pulpeuse walkyrie mais une élégante et racée blonde hitchcockienne à laquelle Ursina Lardi prête sa beauté et son talent. Maîtrisant la concomitance antithétique de la frémissante naïveté de la foi amoureuse et du déterminisme implacable du capitalisme forcené, elle est magnifique et campe en majesté l'irrésistible ascension vers la désillusion de Maria Braun |