My love is for free
(Les Imprudences, l'autre label) juillet 2015
Bonsoir messieurs dames, non je ne suis pas un voleur, non je ne suis pas un voleur, si je parle devant vous comme ça, c’est que j’ai fait des mauvais choix, j’ai fait de la prison, mais j’ai payé ma dette à la société et que j’essaie de m’en sortir sans retomber dans la délinquance facile et que si je devais vous parler de tous les projets de crowdfunding, pardon de "Financement participatif" que je vois passer, je passerai ma vie à ça, à vous demander “sivoupléééé lartist illapa day mésondedisk é padargen sivoupléééé".
Oui, la musique sur le net ressemble de plus en plus à une rame de métro aux heures pointes : "bonjour, si je viens vous voir, c'est que je n’ai pas le choix, à part celui de l’indépendance (trad. : personne n’a voulu de moi), je vais passer parmi pour vous demander un ou deux euros pour enregistrer un riff de guitare, payer mon clip, mon attaché(e) de presse et rester propre, je sais que c’est aussi difficile pour vous que pour moi, et donc si vous me donnez cinq euros je noterai votre nom en caractère quatre sur le livret de mon disque, si vous me donnez dix euros en plus, je vous envoie un mail personnalisé avec un petit cœur, d’avance merci, c’est pour la musique, c’est pour la culture, c’est pour les artistes...".
Donc les projets de crowdfunding, je n’en parle pas, je n’en parle jamais. Mais comme je n'aime rien tant que me dédire, parce que je n’ai aucune parole, je vais vous parler d’un projet de financement participatif. J’en parle d’autant plus facilement qu’il est clos, que même que si vous voulez donner, bah c’est trop tard. Mais je tiens mon RIB perso à dispo au cas où vous auriez de l’argent dont vous ne sauriez que faire.
Il y a quelques mois, Bertand Betsch a demandé l’aide des internautes pour produire son prochain disque, La vie apprivoisée. Bon, quand Bertand Betsch te demande quelque chose, tu ne cherches pas midi à dix-sept heures et tu réponds juste "ok tu veux combien ?". Les contreparties, sans lesquelles un projet de crowdfunding n’existe pas, franchement ça importe peu. Et pourtant. Dans les contreparties, il y avait "un disque inédit surprise", un temps j’ai cru qu’il s’agirait de la réédition de La Soupe A La Grimace, album aussi culte qu’introuvable (physiquement), ou pourquoi pas la version "reprise / tribute" sur laquelle B/B/ (Bertrand Betsch) travaille depuis quelques années. Mais en fait comme souvent, comme toujours, j’avais tout faux.
L’album d’inédits que B/B/ a offert à ses "financiers" est un album de reprises de chansons qu’il aime bien. Une sorte de fantasme de tout chanteur, "tiens, je vais chanter des chansons que j’aime bien qui ne sont pas de moi", et ce n’est pas juste trois ou six, non c’est dix-huit (18 !) reprises qu’il nous offre, et quand on lit la liste des chansons, la première réflexion qui vient c’est "péripatéticienne il a des testicules" parce que reprendre Dominique A, Murat, Low, The Magnetic Fields, il faut oser et reprendre Indochine, Souchon, France Gall, Françoise Hardy il faut assumer et il y en a dix autres mais je vous épargne la litanie de noms. On retrouve certaines qu’il ballade depuis quelques temps déjà ("A Toi", "La Vie Ne vaut Rien"), d’autres beaucoup plus obscures, sorties de nulle part (je ne cite rien pour ne pas prouver mon inculture musicale).
Et pourtant rien n’est une faute de goût, tout passe parfaitement, B/B/ a cette capacité incroyable de faire sienne n’importe quelle chanson qu’il aime, et qu’on aime aussi parce que oui, mais si on ne l’avoue pas en société, un bon France Gall ou même parfois un petit Michel Sardou on adore ça (je vous rassure, ou pas, il n’y a pas de Mimi sur ce disque), ce n’est pas un disque de reprises, c’est un disque de Bertand Betsch, dans sa parfaite lignée discographique, un tome bis à B/B/ Sides, c’est là aussi où on comprend mieux l’évidence de son écriture, voilà ce qu’il écoute, ce qu’il a digéré, assimilé, on comprend les racines de sa musique, de ses mots, et tout semble une évidence, tout est dit. Avec son accent délicieusement français sur les chansons en anglais, son phrasé inimitable sur les chansons françaises. Le titre de ce disque est My love is for free, comme un parfait pied de nez à cette nouvelle économie participative, free dans le sens libre pas forcement gratuit. Et si un jour, il a chanté "je vous aimais mieux avant. Oui, je vous aimais mieux, Bertand", on a juste envie de lui répondre : Non Bertrand, même si je ne peux plus dire je t’aime, notre amour pour vous n’a pas bougé, il est toujours si grand, si infini, si libre...
Je n’ai aucune idée d’à combien d’exemplaires ce disque a été tiré, mais si jamais l’occasion se présente à vous, procurez-le vous, volez-le à un ami qui l’a (je ne suis pas votre ami, ne volez pas le mien), parce qu’une aussi belle collection de belles chansons aussi bien instrumentalisées, aussi bien chantées avec la voix pourtant si fragile de B/B/, c’est vraiment rare.
PS : j’aurai pu faire une chronique plus intellectuelle avec des références, Johnny Cash, Olivier Libaux, histoire de la musique, Bertrand Dicale, etc. Mais j’ai préféré laisser parler mon cœur que ma tête, je m’excuse de vous demander pardon, mais la musique de B/B/ c’est ça aussi, surtout. A vot’bon cœur messieurs dames !
# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil
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