C’est toujours intéressant de découvrir des groupes sur scène avant de les découvrir sur disque, parce qu’on prend le risque d’être déçu en bien, comme disent les suisses, on ne risque pas la déconvenue puisqu’on n'attend rien, il faut juste être curieux, ouvrir les yeux et les oreilles et profiter du spectacle. A l’occasion de la sortie d’un split EP (nous y reviendrons), Water Babies et Orouni donnaient un concert au Trois Baudets, rejoints à l’affiche par Lascaux pour coller au principe des trois parties des Trois Baudets (un nouvel artiste / un artiste en développement / un artiste confirmé). Je ne connaissais aucun de ces groupes, depuis j’ai écouté leur disque pendant que j’allais par ci par là et que je me... Mouais, revenons plutôt sur cette soirée.
Les Water Babies ouvrent donc la soirée, tout droit sorti d’un film de Jacques Demy, marinières et pantalons aux couleurs pastelles, un groupe à la parité exemplaire, deux garçons, deux filles : beaucoup de possibilités. Et d’ailleurs, ils nous montreront leur possibilité, en parfaits échangistes ils partageront leur instruments, leur voix, alternant français et anglais dans des compositions pop aériennes. Amélie Rousseaux, la chanteuse, aux faux airs de Valérie Leuillot, et son chant stereolabien en diable permettent aux compositions de Clémentine March de prendre une dimension plus sérieuse. Oui, la pop légère à chœurs qui font "hou hou" a parfois ceci de particulier, si le chant est trop léger, ça a l’effet technique dit de "la confiture de lait sur la chantilly", c’est-à-dire que c’est écœurant, tellement léger que ça en devient insignifiant. Ici, grâce à la voix savamment posée, parfois presque en décalage dans le ton, cela donne une autre dimension, et surtout une grande ambition aux chansons, et cela permet également de pouvoir s’aventurer sur d’autres terrains, plus rock, folk ou même samba, en gardant toujours ce chant si particulier comme repère. Le premier album des Water Babies, Soupir, doit sortir en septembre 2015 autant vous dire que l’on a hâte.
Deuxième groupe invité par Les Trois Baudets, groupe rouennais porté par un chanteur aux faux airs de Ian Brown jeune, à la marinière de rigueur, livre une pop rock qui se veut entre Depeche Mode et Kasabian. Bon, il faut faire abstraction du chanteur qui en plus d’en faire des caisses, arpente la scène quand il ne chante pas comme s’il s’ennuyait profondément. Comme je suis prévenant, on va dire que ce n’était pas de l’arrogance mais sans doute une grande timidité (mouais, je suis gentil). Sinon ça fait du bruit, ce n’est pas toujours très fin, les compositions semblent parfois hésiter entre gros son qui rend sourd et une pop plus délicate.Il y a un petit côté hors du temps, vintage malheureusement pas forcément dans le bon sens. Leur album est sorti en début d’année Losing Sleep, et si vous trouvez qu’on a rien fait de mieux que The Killers, ça devrait beaucoup vous plaire, pour les autres quelques bons moments quand même notamment "Daydream" et "Solution", et au moins sur disque, on ne voit pas le chanteur cabotiner...
Pour clore la soirée et les débats, Orouni, parisien aux faux airs de Guillaume R. (un pote à moi, mais je vous assure que la ressemblance est frappante), nous livre des parfaits petits bijoux pop, en anglais "à la française", si vous voyez ce que je veux dire (catchphrase !), avec toutefois, on ne va pas se mentir (catchphrase combo !), un timbre qui segmente (c’est la version politiquement correcte pour dire que son timbre de voix est particulier et que donc, il peut déplaire).
Les compositions d’Orouni, c’est le nom de scène du jeune homme qui sonne comme un nom de groupe, prennent justement toute leur saveur en groupe et en live, donnant certes une coloration moins "World" (grrr !) et plus pop aux morceaux issus du Grand Tour, son dernier album dont beaucoup de titres constitueront la set-liste, mais c’est un habillage parfait, c‘est enjoué, maîtrisé, ça fonctionne à la première seconde. On sent évidemment le jeu des influences, tant Anglaises que Californiennes, mais Orouni se livre à une pop décomplexée et efficace, osant même une chanson sur l’architecture comme seul Mehdi Zannad de Fugu est capable d’en faire, et il relève haut la main le challenge. Il terminera en invitant les Water Babies sur scène, tout comme il avait été invité lors de leur set, pour reprendre "The Peanut Specialist" issu du Split single dont il fêtait ce soir-là la sortie, vous voyez je vous avais dit qu’on y reviendrait, je tiens parole.
Pour les plus néophytes d’entre vous, un split single c’est en général mais pas toujours un vinyle où deux groupes se partagent une chanson, sur chacun une face comme le fameux split single de 1999 de Saint-Etienne et de Fugu ou encore le non moins fameux entre Fugu et Stereolab de 1997. "What you talkin' bout, Willis ?", oui vous voyez où je veux en venir, mais c’était facile. C’est d’ailleurs, en découvrant il y a peu, il n’y jamais trop tard, ce split single que l’idée est venue à Orouni, de demander en mode "t’es pas cap" à ses amis de Water Babies d’en réaliser un ensemble à leur tour. Le résultat est à la hauteur, à la fois représentatif et pourtant différent de ce qu’ils font d’habitude, parce qu’ils ont vraiment travaillé ensemble, Orouni laissant même le chant aux filles de Water Babies, parce que chacun y a apporté ses petites obsessions, le côté spontané pour Water Babies, le côté plus travaillé pour Orouni et au final, cela donne deux bonnes chansons dans la plus grande tradition Fulab ou Sterogu si vous préférez. Ne reste plus qu’à espérer que ce split devienne aussi culte que peuvent l’être ses prédécesseurs.
PS : Je sais que vous vous posez la question : mais pendant le concert d’Orouni, personne n’avait de marinière ? Si, je vous rassure, c’était le batteur. |