Spectacle de théâtre musical d'après l'opeuvre éponyme de Stefan Zweig, mise en scène de Franck Berthier, avec Isabelle Georges, Frederik Steenbrink et Olivier Ruidavet accompagnés par les musiciens Yann Ollivo, Naaman Sluchin et Isabelle Sajot.
Après "Padam, Padam" en 2010 et "Broadway enchanté !" en 2012, Isabelle Georges reprend, pour la troisième fois; ses quartiers d'été au Théâtre La Bruyère avec une nouvelle création qui opère toutefois une double novation au regard de ses précédents spectacles musicaux puisqu'elle s'inscrit dans le genre du théâtre musical et aborde le registre dramatique.
Par ailleurs, l'entreprise est hardie dès lors que "24 heures de la vie d'une femme" constitue la transposition théâtro-musicale de la nouvelle éponyme de Stefan Zweig, célébrée comme la quintessence de la passion amoureuse, maintes fois adaptée et rarement de manière convaincante.
Et, assurément, la partition élaborée par Stéphane Ly-Cuong et Christine Khandjian, pour le livret et Sergei Dreznin, pour la musique avec une composition mosaïcienne qui navigue du romantisme debussien à la comédie musicale, relève ce défi.
Leur proposition, fidèle à l'esprit de l'oeuvre originale et expurgée de toute contextualisation passéiste, est totalement réussie car, d'une part, elle se dispense de la forme statique de la remémoration monologale en transformant le souvenir en réalité temporelle.
En effet, elle donne à voir, in tempore, la naissance et les dilemmes de l'amour fulgurant que découvre une grande bourgeoise rangée qui, dans l'éclat de sa maturité, s'éprend d'un jeune homme dévoré, quant à lui, par la passion du jeu. La plénitude du corps qui consume ne durera que le temps d'une journée sans pouvoir éteindre l'embrasement du coeur.
D'autre part, et de manière, là encore judicieuse, elle se dégage de la laborieuse transposition du récit narratif en créant un troisième protagoniste, un personnage faustien et polymorphe qui assure la transition fluide entre les différents tableaux en campant les différents figures croisées au cours de cette journée et personnifiant tant le confident que le narrateur et le destin, voire le diable.
De plus, le spectacle bénéficie de la très remarquable mise en scène de Franck Berthier qui, dans la superbe et esthétique scénographie épurée de Gérard Bourgey inspirée du théâtre d'ombres et du dénuement du théâtre japonais et sublimée par la création lumière de Mireille Dutrievoz, évite la tentation et le piège de l'emphase du drame opératique pour se concentrer sur la peinture des sentiments et de l'âme.
Donc point de décor réaliste et anecdotique mais, dans une unicité chromatique, le noir et la gamme des gris, un fond de scène en passe-partout à trois fenêtres et un jeu de panneaux mobiles qui assurent, à la manière du procédé cinétique du fondu-enchaïné, l'apparition et la disparition des personnages et de quelques parcimonieux accessoires.
Accompagnés sur scène au piano par Yann Ollivo, qui signe les arrangements et assure la direction musicale, Naaman Sluchin au violon et Isabelle Sajot au violoncelle, Olivier Ruidavet, tenue de dandy et oeil malicieux, campe efficacement le maître du jeu et Isabelle Georges et Frederik Steenbrink forment un harmonieux couple vocal à la belle intensité émotionnelle. |