Réalisé par Patrick Wang. Etats-Unis. Drame. 1h43 (Sortie le 26 août 2015). Avec Wendy Moniz, Trevor St. John, Oona Laurence, Jeremy Shinder; Jessica Pimentel, Gabriel Rush, Rachel Dratch et Eyas Younis.
Avec "In the family", Patrick Wang avait signé un premier film d'une grande force émotionnelle. Tous les spectateurs conquis par sa radicalité formelle et sa bienveillance sentimentale pourraient témoigner que son souvenir ne s'est pas beaucoup estompé de leur mémoire.
"In the family" appartient à cette minorité d'oeuvre qui travaille, qui pénètre profondément dans les cœurs et les âmes. C'est donc avec une certaine impatience,teintée de curiosité et même d'appréhension, que l'on s'immerge dans le second long-métrage de Patrick Wang en s'interrogeant : peut-il renouveler le "miracle" de "In the family" ?
D'emblée, on sait que "Les secrets des autres" va s'inscrire dans la même famille que le premier long de Patrick Wang. Même économie de moyens, même intérêt pour la classe moyenne, même capacité de s'exprimer simplement pour décrire la complexité des sentiments humains.
La différence essentielle réside dans l'absence d'un élément qui structure le film et en constitue la colonne vertébrale, comme l'était le procès dans "In the Family".
Dans "Les secrets des autres", la description de cette famille nucléaire en pleine déliquescence se fait autour d'une agrégation de saynètes signifiantes. Il n'y a pas vraiment de moments-clés où se cristalliseraient les rancoeurs et où exploseraient les non-dits. Plus subtil, moins théâtral, le cinéma de Patrick Wang gagne encore en force, même s'il perd en efficacité immédiate.
Sans doute, ce qui sépare les deux films tient au rapport à la mort. Dans "In the family", la disparition d'un jeune homme est le point de départ "dynamique" de l'histoire ; dans "Les secrets des autres", la mort cachée d'un bébé bloque la vie de quatre personnes, les enferme chacun dans une inguérissable souffrance. Si la fille est fugueuse, son frère obèse et ses parents en crise aiguë de la quarantaine, c'est qu'il y a un immense déni, un secret simple et épouvantable.
Tiré d'un roman de Leah Hager Cohen, très lu aux États-Unis, "Les secrets des autres" de Patrick Wang pénètre profondément dans les arcanes de la famille. Bien qu'il puise sa source dans le modèle américain, Il ne s'agit pas à proprement parler de le critiquer, de le disséquer avec cruauté.
Au contraire, tout l'enjeu du film est de chercher avec les personnages la clé, le déclic, qui pourrait remettre ces braves personnes sur le chemin du bonheur conjugal et familial. Sans dévoiler l'événement qui va tout débloquer, on notera qu'il est à la fois interne et externe, qu'il s'inscrit dans la "correspondance"... et qu'il est source d'ouverture là où il ne devrait provoquer que du repli.
Loin d'être un "révolutionnaire", Patrick Wang développe un cinéma de l'intime dont le but ultime serait de retrouver des recettes cinématographiques perdues avec la disparition de Frank Capra.
Ambitieux programme que l'on va pouvoir, désormais, suivre régulièrement dans les films à venir de Wang. En deux films, faits à la maison, en à peine plus de quinze jours à chaque fois, et en toute indépendance - "Les Secrets des autres" est volontairement tourné en "Super 16" à l'ère du numérique - il a réussi, marque des grands réalisateurs, à créer son univers. Un univers singulier à nulle autre comparable, malgré quelques parentés avec un certain cinéma asiatique moderne.
Voir "Les secrets des autres" de Patrick Wang devrait être ainsi l'une des priorités de la rentrée culturelle et, pour ceux qui l'auraient raté, il faudra y adjoindre la vision du DVD de "In the Family", sorti récemment chez "ED Distribution", qui a découvert ce grand cinéaste de demain et a bien raison de le défendre bec et ongles.
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