La Fondation Henri Cartier Bresson invite Jeff Wall, photographe canadien vivant à Vancouver, à présenter ses "Smaller pictures".
Plus petites ? Il faut dire que Jeff Wall s'est fait connaître depuis les années 1970 par ses grands formats, à l'échelle 1, et ses "lightboxes" ou caissons lumineux. Insatisfait du tirage sur papier, il a préféré un support transparent utilisé dans la publicité. Son côté "vulgaire" lui a semblé, alors jeune artiste à l'époque, convenir à une nouvelle façon de montrer ses images.
Ses compositions sont savamment orchestrées, parfois retouchées et donnent un résultat se rapprochant de la peinture d'histoire grâce à la sophistication des décors et couleurs. Dans ses sujets, il dissémine des indices mais laisse le soin à chacun de créer son propre récit.
Théâtrales ou cinématographiques, ses photos sont spectaculaires par essence, bien que feignant d'imiter la réalité. Mais surtout, face à elles, l'impact de l'ensemble virtuose ne laisse pas indifférent. Alors qu'en est-il de ses petits formats ? Et surtout pourquoi ce choix ?
En premier lieu, et c'est une bonne raison, pour changer ! Cette invitation a été l'occasion de replonger dans ses travaux pour sélectionner 34 petits formats ayant été réalisés depuis les années 1990, mais jamais encore assemblés. C'est une pratique parallèle à ses grands formats et qu'il a longtemps interrogé.
"Certaines de ces images ne se sont pas laissées intégrées dans les projets plus grands que j'avais pour elles"
Il explique notamment que l'une des images exposées, "Giant", a produit l'effet d'un révélateur car le format réduit s'est imposé devant l'impossibilité technique d'obtenir le tirage taille réelle d'un géant (une femme nue dans une bibliothèque).
Libéré de cette contrainte et continuant dans cette voie, il a choisi des sujets plus simples et directs, voire familiers comme avec "Diagonal composition", sans modifier les procédés utilisés, tel le montage, qui restent identiques.
L'essentiel pour l'artiste, et qu'il cherche toujours, étant de créer une dimension plastique qui produise "l'image en soi", quel que soit le format.
"La photographie est complexe, son institution autour est ambiguë. J'aime essayer de redistribuer ces relations plastiques, bouger les choses dans un sens ou un autre. Je n'ai pas l'impression de dire que ma façon de faire est la meilleure ou la moins bonne d'exercer mais elle me permet de requestionner la nature même de la photographie et d'envisager tous ses aspects"
Dans une seconde salle, sont exposés différents tirages, au jet d'encre entre autres, ainsi qu'une collection de petits formats numériques et argentiques. Parfois floues, composées plus instinctivement, figurent les images prises avec son premier téléphone, un vieux Nokia.
Ce qui importe encore ici, c'est l'adéquation entre le sujet, l'appareil et le négatif pour obtenir l'image. Quand il développe le négatif en deux formats différents pour la même image d'arbre, c'est pour montrer le rapport physique immédiat, et presque sensuel, de l’œuvre sur le spectateur.
Il n'y a aucune opposition entre numérique et argentique dans son esprit, ce sont deux façons de produire les images, ni de hiérarchisation. Il ne peut que regretter la disparition de l'argentique, lui qui dit adorer la beauté du procédé chimique et de sa mécanique.
L'exposition comporte également une série de clichés de taille encore plus réduite ainsi que le journal de bord d'un voyage en voiture au Canada datant de 1969. Il y a noté les chemins empruntés et les conditions de prises de vue, la plupart montrant la route au travers du pare-brise.
Là encore, structure, cadre, moments suspendus viennent effacer l'instant d'avant et celui d'après pour ne laisser que l'image unique, celle qui agit comme un mantra cherchant la même voie depuis des décennies. |