Comédie dramatique de Michel Vinaver, mise en scène de Marc Paquien, avec Lionel Abelanski, Alice Berger, Patrick Catalifo et Loïc Morbihan.
Avec "Les Voisins", Michel Vinaver signe une pièce déconcertante, tant en la forme qu'au fond, d'autant plus qu'il l'inscrit dans les registres de la fable et du mythe, et notamment parce, outre d'être dépourvue de réel épilogue ou morale, qu'elle ouvre des brèches qu'elle laisse béantes à la sagacité du spectateur.
Ces voisins, qui ne connaissent pas les troubles du voisinage, occupent des maisons identiques de zone pavillonnaire avec terrasses non délimitées devenues en l'espèce terrasse commune, symbole d'une grande et indéfectible amitié, qu'en l'espèce, les scénographes Gérard Didier et Ophélie Mettais-Cartier ont matérialisé par deux petites façades en miroir qui évoquent d'anonymes et indifférenciés bungalows de plage.
En miroir comme leurs propriétaires, deux papas-poule en solo et leurs fille et fils unis par un juvénile et naturel attachement plus fraternel qu'amoureux. Des hommes de la classe moyenne mais dont la situation tant professionnelle que financière n'est cependant pas totalement identique.
L'un est plus entreprenant et capitalise sous forme de lingots d'or qu'il abrite dans une cache aménagée dans la fameuse terrasse, une petite fortune à l'origine trouble, et qui est connue de son cher voisin. Tout va bien jusqu'au jour où est dérobé le "trésor".
S'ensuit une série d'événements traités sur le mode de l'antinomie Ainsi cette fable se déroule en respectant la linéarité narrative tout en comportant des ellipses abyssales inexpliquées, et souvent inexplicables par la seule raison et des situations qui, ancrées dans un réel ordinaire, prennent une dimension irréaliste par l'effet de dialogues intrigants.
Par ailleurs, elle semble concentrée sur un thème humaniste, celui de la force de l'amitié, alors que tout converge sur un sujet plus prosaïque, celui de l'argent¨avec son inévitable corollaire qu'est le capitalisme, sujet que maitrise bien Michel Vinaver pour avoir été le directeur général de Gillette France avant d'embrasser la carrière d'écrivain et d'auteur dramatique.
A la mise en scène, Marc Pacquien respecte la structure lacunaire de la partition sans insérer de focale ou de point de vue personnel et, par l'utilisation de fréquents noirs appuyés de virgules musicales grandiloquentes pour introduire une dimension de suspense, accentue davantage encore l'impression de scènes manquantes.
Si Alice Berger et Loïc Morbihan, élèves en dernière année au CNSAD, sont totalement transparents, tel n'est pas le cas pour Patrick Catalifo et Lionel Abelanski, qui ont le métier nécessaire pour faire leur sous-texte.
Tous deux excellents, ils parviennent à donner une inquiétante étrangeté et une certaine corporéité, sinon une incarnation, à des personnages qui fonctionnement en complémentarité comme en opposition à la manière un peu perverse des vases communicants. |