Réalisé par Nabil Ayouch. Maroc/France. Drame. 1h44 (Sortie le 16 septembre 2015). Avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane, Sara Elmhamdi-Elalaoui, Abdellah Didane et Danny Boushebel.
Le titre original de "Much loved" en arabe signifie "la beauté qui est en toi" et correspond exactement à ce que Nabil Ayouch cherchait à suggérer en traçant ce portrait impressioniste de quatre prostituées vendant leurs vies dans les nuits de Marrakech.
Attention, il ne s'agit pas pour lui d'opposer "beauté intérieure" à "souillure physique", dans une vision moraliste de la prostitution où la pureté de l'âme transcenderait la dépravation du corps.
Car Noha, Randa, Soukaïna et Hlima assument une "mauvaise vie" qui n'est pas plus condamnable que les activités pas forcément reluisantes de leurs riches clients. Si "Much Loved" de Nabil Ayouch a déplu aux autorités marocaines au point d'en interdire la diffusion, c'est sans doute parce que le film ne juge pas ces quatre filles libres à leur manière, peut-être plus libres que la majorité des Marocaines dites modernes.
Leur solidarité, avec parfois ses grands hauts et ses très petits bas, est une bien plus grande provocation que leur conduite. Qu'elles boivent, fument, jurent, rient, s'injurient dans des scènes quasi cassavétiennes, qu'on les retrouve dans des ambiances presque almovadoriennes n'arrange pas leurs affaires.
C'est pourtant un hymne à la femme sans aucune démagogie sur la prostitution que Nabil Ayouch construit pendant 104 minutes. A la tête du groupe, royale, ivre d'énergie et quelquefois de désespoir, il y a la belle figure de Noha, interprétée par Loubna Abibar qui a vraiment quelque chose d'une cousine marocaine des Espagnoles d'Almadovar. Elle a leur abattage, leur charisme, leur beauté flamboyante.
A son contact, les trois autres filles qui ne sont ni des actrices ni des prostituées ne font pas pâle figure. On n'oubliera pas non plus "l'homme" du film, Saïd, le taxi qui les véhicule dans Marrakech, ville des pires contrastes. Au petit matin, quand la fatigue s'abat sur Noha, et qu'elle traverse la ville à l'arrière du taxi de Saïd, on découvre à travers sa vitre et sans un commentaire les quartiers pauvres, envers criant de la richesse de Marrakech.
Dans "Much Loved", le plaisir n'est pas plus gai qu'ailleurs et la désespérance est fille de la misère. Reste de belles échappées illusoires,comme ce moment ensoleillé ou Noha emmène tout son petit monde à la plage pour profiter d'un fugace instant de bonheur. On pense à la Maison Tellier en goguette normande et l'on en vient à trouver à "Much Loved" de Nabil Ayouch les qualités propres aux films qui restent longtemps en mémoire. |