Comédie dramatique de Arthur Schnitzler, mise en scène de Judith Andres, avec Luca Teodori, Charles Pernel-Fichet, Sophie Braem-Vasco, Isham Conrath, Judith Andres, Daniel Hederich, Louison Cadieu, Martin Van Eeckhoudt, Astrid Nonet et Florian Vaz.
Une prostituée, un soldat, une femme de chambre, un jeune homme de bonne famille, une femme mariée, son mari, une grisette, un poète, une comédienne, un comte... et pour boucler la ronde, la prostituée à l'origine de cette danse des corps et des plaisirs...
Dans sa version sans temps morts et quelques figures de style sur le canapé au centre de la scène, Julie Andrès a scrupuleusement respecté la ronde charnelle imaginée jadis par Arthur Schnitzler.
Seul petit changement, la fille publique n'a pas, comme dans le film de Max Ophüls tiré de la pièce la blondeur à son apogée de Simone Signoret, mais la barbe noire et la robe fourreau de Conchita Wurst, la dernière gloire musicale autrichienne.
Cette modification clin d'oeil n'est pas gênante, tout comme le parti-pris de ne pas costumer les dix protagonistes, mais de simplement les caractériser par un détail vestimentaire ou physique pouvant évoquer leur état ou leur fonction sociale. Cette ronde polissonne, où les amours tarifés, les coïts furtifs et les nuits langoureuses s'enchaînent sans discontinuité ne devrait pas susciter beaucoup d'émois, et plutôt déclencher rires et sourires.
Car ici, nulle question de dépravation : c'est à un hymne à l'amour permanent que l'on a droit. Entre les scènes d'amour, il prendra la forme de lieder chantés joliment a cappella par toute la troupe. Puis, leur succèderont des airs électro-pop quand le couple en démonstration sur le canapé s'essaiera à des positions amoureuses à la fois chastes et suggestives...
Certains penseront sûrement qu'on est très loin de l'oeuvre sulfureuse d'Arthur Schnizler décrivant au scalpel la décadence austro-hongroise. Pourtant, "La Ronde", telle qu'elle est présentée aujourd'hui, a gardé son pouvoir de critique sociale et même gagné en universalité. Elle dit l'hypocrisie intemporelle des relations homme-femme quand rôde le parfum enivrant du désir.
Dans "La Ronde", chaque personnage est à la fois chasseur et gibier et doit livrer impérativement deux facettes différentes de son rôle. Il faut ainsi que tous les maillons de la chaîne soient à l'unisson.
C'est la grande force de la troupe dirigée par Julie Andrès de réunir dix excellents jeunes comédiens. On les sent vraiment heureux d'avoir tous quelque chose à défendre et de construire ensemble, pas à pas, un excellent spectacle.
On conseillera vivement aux amateurs d'un théâtre simple et inspiré d'entrer à leur tour dans leur ronde endiablée.
|