Spectacle musical conçu par Richard Brunel et Frédéric Fresson interprété par Norah Krief, Philippe Floris, Frédéric Fresson Basse et Philippe Thibault.
Petit OTNI (Objet Théâtral Non Identifié) musical de cette rentrée conçu par Richard Brunel et Frédéric Fresson, "Les Sonnets de Shakespeare", à mi-chemin entre le concert théâtralisé et le spectacle chanté, déroutent tout autant qu'il séduisent.
Sur un plateau faussement sobre, scénographié dans le moindre petit détail, avec ses lourds rideaux rouges et ses coiffeuses aux miroirs sans qui trônent à côté des instruments des musiciens prêts à en découdre, surgit Norah Krief, menue et énergique, androgyne et féminine dans son corset rouge, son filet de lycra, son pantalon noir fluide et ses bottines, lady faite homme, entre tradition et modernité, assumant toutes les ambiguïtés et tous les personnages.
Norah Krief, charmeuse, gouailleuse, entourée de musiciens complices (Frédéric Fresson au piano, Philippe Floris à la batterie et Philippe Thibault à la basse) s'empare des vers du poète anglais qui, traduits par Pascal Collin, semblent avoir été écrits hier, tant la langue est moderne et le propos actuel.
L'amour, la jalousie, l'art, l'écriture, le temps qui passe, l'âge et la vieillesse sont autant de thèmes abordés tout au long des 17 sonnets qui, dans un agencement parfaitement orchestré de poèmes et par petites touches impressionnistes, brossent le portrait d'un homme, de sa vie intime et de ses insatisfactions, au commencement jeune et passionné, puis amèrement lucide et finalement fatigué, fatigue qui lui a inspiré un magnifique sonnet éponyme, éminemment politique, vibrant et à la résonance contemporaine, sur sa lassitude face aux errements et injustices de la société de son temps.
Le travail dramaturgique fragmenté de Richard Brunel, centré sur le texte et son intelligibilité, la langue, l'émotion, la voix et la musicalité, rend un vibrant hommage à la violence, la crudité et l'implacabilité de la langue de Shakespeare tout en jouant de l'aspect énigmatique, et peut-être pour cela universel, de ses vers.
Noirceur gothique des costumes de Eric Massé, énergie rock des arrangement épurés de Frédéric Fresson qui entremêle avec talent les styles musicaux, de la balade au pop rock en passant par la ritournelle, limpidité des lumières parfaitement maîtrisées de Kevin Briard, présence charismatique de Norah Krief transcendée en rock-star habitée, "Les Sonnets de Shakespeare", bien plus qu'un montage aléatoire de vers et de musiques, forment un subtil tableau polyphonique au service du poète.
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