Comédie de Edouardo de Filippo, mise en scène de Patrice Marie, avec Lyne Mucig, Alain Marcel, Michèle Zeitoun, Guy Hassid, Malika Zirari, Lama Hadid, Amélie Briend, Hugues Rivière, Enzo Bernasconi et Julian Watre-Pelle.
Pour les Italiens, Eduardo De Filippo est désormais un classique. À l’image de Sacha Guitry en France et de Noël Coward en Angleterre, c’est par le cinéma que son œuvre a pu atteindre tous les publics.
Il a lui-même mis en scène une quinzaine de films entre 1939 et 1965, parmi lesquels "Filumena Marturano" en 1951, première version de "Mariage à l’italienne", bien avant celle de Vittorio De Sica où triompheront Sophia Loren et Marcello Mastroianni, qui reprendra le rôle de Domenico Soriano créé par De Filippo lui-même.C’est dire que la barre à franchir était placée haut pour Patrice Marie.
Auteur populaire, De Filippo aimait faire parler le petit peuple de Naples, s’amuser de ses travers. Aidé par la belle traduction de Huguette Hatem, Patrice Marie a déjà évité l’écueil du phrasé "provençal", de la correspondance supposée entre Naples et Marseille.
Contrairement à certaines versions précédentes, influencées certainement par le doublage en "marseillais" des grandes comédies italiennes, les acteurs de Patrice Marie ne prennent pas un accent pour jouer les Napolitains. Pareillement, l’action se passe dans une pièce où trône une table et aucun des éléments du décor n’est vraiment connoté italien ou napolitain.
Chez De Filippo, le texte l’emporte sur le contexte et les situations inventées reposent sur des grands sentiments universels. On pourrait estimé datée cette histoire d’une ex-prostituée vivant avec un riche bourgeois napolitain qui lui fait croire qu’elle va expirer pour qu’il songe, enfin, à l’épouser sur son lit de morte. Mais c’est là où se lit le véritable génie de De Filippo : en quelques minutes, cet argument-prétexte paraît se justifier et tous les éléments qui s’accumulent pour le nourrir apportent une vraie complexité.
Quand elle révèle à Domenico, qui veut la chasser à la suite de son stratagème, qu’elle a trois enfants et que, parmi eux, il y en a un qui provient de sa chair, Filumena ajoute en gravité et en profondeur à l’intrigue de De Filippo.
De cette histoire enchevêtrée, Patrice Marie tire pourtant un récit linéaire qui cherche à respecter le fond de la pensée de son auteur. Pour cela, il a comme atout majeure une distribution parfaite dans laquelle chaque rôle, important ou secondaire, a quelque chose à proposer.
Alain Marcel (Domenico) et Lyne Mucig (Filumena) forment un couple qui sait se chamailler à un rythme alerte de vraie comédie italienne, où le rire se transforme souvent et instantanément en émotion.
L’astuce de cette adaptation tient aux moments choisis de la dispute : jamais, on ne vit l’action, mais toujours le moment d’après, celui où vient le temps de la réflexion. Au fond, très rapidement, le sujet de la pièce n’est plus le mariage en soi, mais ses conséquences et surtout la question de la paternité.
Chez De Filippo, il n’y a pas d’âmes noires mais seulement des coléreux ou des irascibles qui peuvent compliquer l’évidente solution, jamais l’empêcher. Ce théâtre, qui a toujours bon esprit et n’aime pas que les choses finissent mal, est un régal qui porte en lui de beaux moments d’humanité.
Cette version fidèle, montée avec finesse par Patrice Marie, mérite d’avoir un franc succès. |