Spectacle conçu et mis en scène par Angélica Liddell, avec Victoria Aime, Angélica Liddell, Ugo Giacomazzi (en alternance Borja López) et Sindo Puche.
Angélica Liddell a bâti son oeuvre artistique, et sa notoriété, sur un théâtre performatif largement auto-centré de viole,ce et de souffrance soutenu par une violence cathartique, une rage auto-destructrice et une provocation transgressive passant par la souffrance physique du corps de l'acteur.
En 2014, "You are my destiny (Le viol de Lucrèce)", premier volet d'une trilogie intitulé "Cycle des résurrections" marquait une rupture radicale liée à la foi retrouvée, foi en l'amour christique mais également l'amour profane, évolution sensible dans sa création artistique qui engendrait inévitablement déception et questionnement sur le devenir du propos.
"Primera carta de San Pablo a los Corintios", le second volet s'avère confirmatif sur deux points. En premier lieu, Angelica Liddell, sobre et sobrement vêtue en princesse vénitienne, ne performe plus. Elle supervise l'acte performatif réalisé par des figurants qu'elle indique être des prolongations de son corps, et se contente d'un insert profératoire exaltant la soumission totale à l'amour d'un homme qui mènerait à l'amour divin, quête de celle qui veut être la folle de Dieu.
Ensuite, elle propose un spectacle d'assemblage de bribes d'images, puisant dans l'iconographie religieuse et la peinture de dévotion revisitées, qui, même si le travail de conception qui le sous-tend est cohérent et conséquent, encourt, dans sa conceptuelle traduction scénique avec, par exemple, l'apparition de cinq femmes nues et tête rasé portant un crâne de cerf qui représentent plusieurs figures de Marie Madeleine au Golgotha, la réserve d'hermétisme pour nombre de spectateurs.
Certaines, telle l'incrustation équivoque en prologue et en épilogue, sur la toile en fond de scène reproduisant la "Vénus d'Urbin" du Titien hors son arrière-plan contextualisant la scène de genre, de la photographie du criminel américain Charles Manson, qui se présentait comme une réincarnation du Christ, avec barbe et cheveux longs et menotté, laissent sceptique sinon atterré.
L'opus peine donc à convaincre d'autant que Angélica Liddell procède à des emprunts connotés tels la lente pantomime castelluccienne, la coupe de cheveux de "Et balancez mes cendres sur Mickey" de Rodrigo Garcia qui avait fait polémique en 2007, et le prélèvement sanguin en direct, avec l'office d'une infirmière, sur un comédien représentant le Christ qui évoque les pratiques du Body Art et de l'artiste Marina Abramovic.
D'aucuns y voient le chant du cygne. Qui aime bien châtie bien et le public déçu n'hésite pas à brûler ce qu'il a adoré. Le soir de la première au Théâtre National de l'Odéon, le spectacle a recueilli de timides applaudissements et, pire, des sifflets. |