Comédie de Molière, mise en scène de Macha Makeïeff avec Marie-Armelle Deguy, Arthur Deschamps, Karyll Elgrichi, Vanessa Fonte, Camille de La Guillonnière, Vincent Winterhalter, Arthur Igual (en alternance Philippe Fenwick), Atmen Kelif, Ivan Ludlow, Geoffroy Rondeau, Thomas Morris et Maud Wyler.
"Les Femmes savantes" revues pas Macha Makeïeff sont d'une rare drôlerie.
Installant la pièce de Molière dans une ambiance pop avec pour mot d'ordre "de la couleur et du mouvement ", elle a mis l'accent non pas sur la satire des femmes qui jouent aux encyclopédistes un bon demi-siècle avant l'Encyclopédie, mais sur le personnage de Trissotin. Elle en a fait une espèce de nouveau Tartuffe, déchirant une famille entre ceux qu'ils subjuguent et ceux qui ne voient en lui qu'un imposteur attiré par l'argent de cette famille aristocratique.
Dans cette version respectueuse du texte plus que du contexte, l'action se situe dans une période mal définie que les costumes, voire la présence d'un projecteur diapo et d'un mange-disque, désignent comme pouvant varier du cœur des années soixante aux débuts des années soixante-dix.
Certains diront qu'on est plutôt en Angleterre aux alentours du Swinging London, d'autres pencheront plutôt pour les années soixante reconstituées à partir de tenues exagérément colorées comme on en voyait dans les films de Louis de Funès tirés de pièces de théâtre comme "Oscar" ou "Hibernatus".
L'idée vient en tête parce que Philaminte, Marie-Armelle Deguy, est habillée et coiffée en "Claude Gensac", celle qui était toujours sa partenaire, alors que son mari, Chrysale, joué par le débonnaire Vincent Winterhalter rêve visiblement de charger la barque du côté de Fufu qui mit lui-même en scène l'Avare au cinéma. Il n'en a d'ailleurs pas besoin parce que sa retenue, certains diraient sa lâcheté, en fait un personnage presque flegmatique, qui a la grimace elliptique mais les cheveux en pétard.
Plus généralement, chaque personnage est "looké" par Macha Makeïeff, dont on n'ignore plus qu'elle veille personnellement, et avec toujours un très grand soin, à la conception des costumes et des décors.
Mention ainsi au beau manteau vert en cuir de Henriette jouée par Vanessa Fonte, qui par-dessus le marché est la plus à l'aise dans les vers de Molière. Egalement mention super spéciale aux tenues de Bélise, la sœur de Philaminte, parce qu'elle est jouée par Thomas Morris avec une grâce toute castafiorienne.
Les puristes trouveront sans doute que ces exemples donnent à penser que Macha Makeïeff s'empare de Molière pour le tirer du côté des Monty Python, si l'on veut rester dans le non-sens anglais. La présence redondante d'un chien et d'un toucan empaillés, sans vraie raison, en seront une autre preuve. Macha Makeïeff multiplie les effets visuels qui ne nuisent pas à Molière et l'on s'amusera ainsi des expériences "petit chimiste" menées par Philaminte, Belise et Armande.
"Trissotin ou Les Femmes savantes", c'est d'abord une bonne ambiance et un souci tout féminin de gommer le "machisme" de Molière. Car, si il est d'usage de prétendre qu'il se moque des fausses savantes, celles que peut berner un Trissotin, l'argument ne tient pas parce que Philaminte ne s'exprime jamais de manière ridicule et n'est pas dépourvue de bon sens.
Macha Makeïeff a donc équilibré les deux "équipes", les trois savantes étant plus farfelues qu'idiotes et leurs adversaires quand même parfois ras des pâquerettes, comme Henriette un tantinet futile voire "beauf".
Et même, au final, dans cette version, est esquissée la vie douloureuse d'Armande, l'aînée de Philaminte et de Chrysale, qui choisit d'être "savante", et se prépare une vie de solitude. Maud Wyler fait de ce personnage la touche émouvante de ce spectacle vraiment désopilant, aux accents parfois chantants, qui rend Molière abordable aux petits et aux grands. |