Comédie dramatique de Mathieu Bertholet, mise en scène de Véronique Bellegarde, avec Olivier Balazuc, François Clavier, Hélène Delavaut, Laurent Joly, Odja Llorca et Sylvie Milhaud.
"Farben", texte écrit par Mathieu Bertholet consiste en une évocation onirique de l'épouse du chimiste juif allemand Fritz Haber, prix Nobel de chimie 1920, découvreur de la synthèse de l'ammoniaque et pionnier de la guerre chimique moderne avec l'élaboration des gaz de combat utilisés pendant la Première guerre mondiale.
Le suicide, en 1915, de Clara Immerwahr, titulaire d'un doctorat en chimie dont le mari a étouffé la vocation pour la cantonner à l'univers domestique, est considéré comme un acte politique dénonçant la perversion de la science inféodée au pouvoir.
Cette première pièce de Mathieu Bertholet, qui ne ressort ni du théâtre documentaire ni du registre du docu-fiction, constitue une pièce d'assemblage dans laquelle, avec la fougue de la jeunesse, il a jeté pêle-mêle, et entre autres, la science, l'antisémitisme allemand, le patriarcat, la théorie des couleurs de Goethe et la vision rétrospective de la vie au moment qui précèderait la mort cérébrale.
Une pièce qu'il faut entendre, selon les indications de l'auteur, comme déconstruite et composée d'"éclairs, bribes, motifs, refrains et images", soit une suite de micro-scènes sans véritables dialogues interactifs, et relevant du "sensoriel, au-delà des niveaux de lecture et des multiples constructions de sens".
Par ailleurs, s'il la qualifie de "pièce sur des rêves, des rêves en couleurs, sur le pouvoir et les dangers de la science", elle ne comporte pas de débat dramaturgique autour de la thématique de l'éthique scientifique et de l'essence janusienne du progrès.
En effet, celui-ci se réduit à la simple énonciation du conflit axiologique, la fameuse sentence rabelaisienne "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", entre la conception idéaliste de la science, oeuvrant pour le bien de l'Humanité, et les convictions personnelles du "savant" qui travaille pour sa patrie, en l'occurrence dans un cas d'espèce, celui du temps de guerre avec la quête de reconnaissance officielle d'un juif allemand assimilé qui pâtit d'une discrimination patente.
A la mise en scène, Véronique Bellegarde verse dans l'illustration irréaliste avec sa scénographie surabondante, effets spéciaux, "machines scientifiques et théâtrales" réalisées par Olivier Vallet et lumières de Philippe Sazerat, le choix du grotesque expressionniste allemand et des inserts de cabaret berlinois avec des chansons interprétées par la mezzo-soprano Hélène Delavault.
Un parti-pris fort qui contraint le champ de jeu exploité au mieux par les comédiens, Olivier Balazuc, Odja Llorca, François Clavier, Laurent Joly, et Sylvie Milhaud. |