Spectacle conçu et mis en scène par la Compagnie El Conde de Torrefiel d'après un texte de Pablo Gisbert, avec David Mallols, Isaac Forteza, Quim Bigas, Mario Pons-Macià et Tanya Beyeler.
D'abord dire - et le Collectif El conde de Torrefiel en convient lui-même - que le titre du spectacle est une pure imposture. Ici, il ne sera jamais question de "scènes pour une conversation après le visionnage d'un film de Michael Haneke".
Mais ce faux-titre dit bien ce que le spectacle veut dire : une certaine banalité bobo prétentieuse, où l'on ne peut converser qu'après avoir vu un film d'un réalisateur professeur, possesseur de deux palmes d'or pleines d'ennui didactique.
Pas question pour le quintet (quatre gars, une fille) de parler autour d'un James Bond. Le film référence chez eux est la plus ambiguë des œuvres de Lars Von Trier, "Melancholia" et sa fin du monde fasciste.
Apparemment, El Conde del Torrefiel n'est pas dupe des histoires minuscules qu'il conte. Il les conçoit comme la description clinique de l'univers de jeunes post-bourgeois catalans entre bars branchés et semaine de vacances dépaysantes.
Si l'on adhère à leur démarche, on pourrait écrire qu'ils sont le croisement parfait du Philippe Delerm de "La première gorgée de bière" et du Georges Perec des "Choses". Evidemment, si on ne fonctionne pas à leur dispositif, on n'y verra qu'une illustration banale de la banalité, cachée derrière quelques provocations potaches.
En effet, à l'extrême droite de la scène, statique devant un micro, un des cinq mousquetaires de dos au public, psalmodie un texte, qui, peut - ou non - être celui qui s'inscrit sur le fond blanc qui occupe l'arrière de la scène. Pendant ce temps, entre danse et mime, les autres membres ou seulement quelques-uns d'entre eux illustrent ses propos.
En ouverture du spectacle, on pourra ainsi voir un zizi prenant diverses formes en sortant du trou d'une plaque blanche qui cache son possesseur, selon le principe des "back rooms". A l'occasion, se développeront quelques mouvements incongrus comme ce moment où les quatre acteurs actifs seront à la queue leu leu à quatre pattes.
Dans l'ensemble, les dix saynètes sont plaisantes et les textes chuchotés sous fond musical électronique bien écrits. En quelques mots, on saisit les situations, comme celle de cet homme heureux qui rentre dans un bar et ne l'est plus quand il en sort.
Concis comme une narration rock, l'univers du groupe a sa cohérence. Il a tout pour envouter par sa séduction minimale, reste que, malgré sa brièveté, "Scènes pour une conversation après le visionnage d'un film de Michael Haneke" perd peu à peu en force. Cet effet "déceptif" est-il aussi calculé que le reste ? N'est-ce pas là, la preuve que le sujet a été traité dans toute sa fatalité ?
Eu égard à la jeunesse des protagonistes, on conclura surtout que leur travail est en devenir et que cette fin pas très aboutie indique qu'ils sont en pleine recherche. On est impatients de savoir si leur démarche ne débouchera que sur une belle habilité formelle ou si elle les fera aller dans des directions plus fortes et plus inattendues. |