10 years Solo Live
(Nonesuch Records) novembre 2015
Partons d’un postulat des plus simples : Brad Mehldau est l’un des plus grands pianistes et musiciens tous genres confondus actuel.
Ce coffret rend hommage à la partie peut-être la plus accessible de son travail, peut-être car si elle s’appuie notamment sur des reprises de chansons au format grosso modo pop ("Dream Brother" de Jeff Buckley, "Smells like Teen Spirit" de Nirvana, les sublimes "Holland" de Sufjan Stevens et "Hey You" de Pink Floyd…) ou du répertoire classique et jazz ("Intermezzo en mi mineur n°2" et "en Si Bémol Majeur n°4" de Johannes Brahms, "Think Of One" et "Monk’s Mood" de Thelonious Monk, "My Favorite Things" de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II…), elle est d’une grande liberté et d’une intensité qui peuvent déconcerter.
Composé de quatre CD (huit vinyles selon la version), 10 years Solo Live est agencé selon les propres directives du pianiste et raconte une histoire : Dark / Light comme une porte d’entrée dans son œuvre où les forces musicales s’opposent, The Concert, comme son nom l’indique plonge l’auditeur dans ce qui ressemblerait à un concert habituel, Intermezzo / Rückblick intermède imaginaire où se mêle jazz, musique classique ou improvisation, et le dernier disque, E Minor / E Major a pour thématique la tonalité de Mi (Majeur et mineur donc).
Ce coffret recèle la quintessence du style soliste du pianiste Américain, mais on y retrouve aussi ce qui fait le sel de sa musique : la science du rythme, cette main gauche en rythme motorique ou en ostinato mais capable également de virevolter (Brahms et Bartók ne sont jamais très loin), son encrage dans le Blues, la fascination pour l’harmonie (Gabriel Fauré n’est jamais très loin non plus), sa maîtrise de l’invention et de l’improvisation et cette façon si particulière de jouer par le truchement des renversements avec les accords et leurs couleurs (le dernier disque en est un parfait exemple).
Entre modalité et tonalité, entre ombre et lumière, entre un côté cérébral (sans aucune prétention) et un côté ludique, entre harmonie et contrepoint difficile de résister à cette puissance suggestive, à l'exploration sonore, à cette exploitation du domaine musicale, à cette relation entre énergie et la vulnérabilité des émotions.
Brad Mehldau conjugue avec un incroyable talent sophistication, intelligence du propos et bouillonnement musical. Ici, la question n’est pas tant de savoir de ce que l’on retrouvera des morceaux de départ que d’entendre une nouvelle matière sonore, un nouvel univers propre au pianiste. Un univers qui nous rend proche de lui, presque dans le grain du son du piano, comme s'il s’adressait tout spécialement à nous, touché par cette grâce, par ces notes. Mehldau n’a peut-être pas la technique fulgurante de certains pianistes, mais son intelligence musicale est à nulle autre pareille.
# 06 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher
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