"Tiens, je viens de croiser Jarvis Platini au Planète Mars, seul français sur la promenade des anglais…". Steven Patrick Morrissey, dont il est question dans cette chanson légèrement détournée est non seulement, le sosie anglais officiel de Jarvis Platini mais aussi, une figure tutélaire omniprésente dans l’univers de ce drôle de zig. Pas question d’Union Jack ce soir-là, mais du drapeau français qu’il ne garde pas dans sa poche, comme sa langue d’ailleurs. Langue française qu’il manie si bien, de jeux de maux en digressions amusantes ou en descriptions glaçantes, ce chonteur, comme il aime à se présenter, a également les pieds sur terre, sur la terre de France qu’il parcourt au gré de ses autres activités un peu moins artistiques... La référence à la chanson française y est aussi omniprésente, Dominique A ou Serge Reggiani, l’italien, qu’il honore en se travestissant avec un costume de scène d’une élégance remarquée.
Deuxième passage au Planète Mars, après un "dépucelage" réussi en juin dernier dans la chonson française, il est d’abord un conteur sans musique, dans l’exercice le plus difficile qui soit, le récital a capella. Et il s’en sort plutôt bien le bougre, lui qui se présente modestement comme "The voice : la plus belle voix" sur les réseaux sociaux dont il est devenu, pour le coup, une vraie vedette… Ce deuxième concert est plus maîtrisé, il semble plus à l’aise et plus présent dans cet exercice solitaire sans aucune aide, une prise de risque totale. Il expérimente néanmoins, sur deux titres, un accompagnement musical très pop de toute beauté, fruit d’une collaboration avec le génial Philippe Lavergne (Les Freluquets) exilé aux Etats-Unis. D’autres collaborations musicales ont été faites avec les meilleurs compositeurs français, Olivier Libaux (Les Objets, Nouvelle vague) ou Christian Quermalet (The Married Monk). Pour avoir écouté ces titres, le résultat est vraiment magnifique et très prometteur. Mais finalement, ces textes n’ont pas forcément besoin de musique, telle une poésie un peu brute, ils pourraient tout aussi bien figurer dans un recueil, sur un support papier. Car peu importe le flacon, ces textes se suffisent à eux-mêmes.
Des textes qui dérangent, des textes qui amusent, on ne sait pas toujours où est la frontière. Car pour Jarvis, cette frontière de l’inspiration entre la France et l’Angleterre, c’est le Nord-Pas-de-Calais dont il est originaire tout comme son double Morrissey, originaire du Nord de l’Angleterre. Cette "Northern soul", cette mélancolie, cette musique qui aide à vivre face à des vies abimées, à la misère humaine et affective qui hante ces textes. "Anorak", "Justine partout Pauline nulle part", "Sale Hope", la barbarie commence à la maison comme disait l’autre nordiste. Ces maisons que "La grosse dame blonde", morceau hilarant, n’arrivera jamais à retaper, car ce sont les être humains qui se font taper et retaper à coups de ceinturons dans des textes parfois d’une rare violence. Comme à Manchester, certaines femmes sont plus grosses qu’ailleurs… dans ces contrées, les "corps ronds" comme il les appelle pudiquement, les enfants les victimes qui terminent au congélo, dans "L’apéro chez les Courjaut" et les hommes sont… les hommes.
Paradoxalement, les concerts de Jarvis Platini sont à l’opposé de l’atmosphère lourde de ces chansons, des moments de partage, de bonne humeur, des moments de légèreté autour d’un personnage attachant et haut en couleurs : bleu, blanc, rouge ce soir là…
Et pour tous les absents : "Où est passé Jarvis Platini ? Il était au Planète Mars Han, Han !". Ceux qui savent comprendront…
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