Music for a New Society / M:FANS
(Domino Recording) janvier 2016
Quelques grandes lignes de l’impressionnant curriculum vitae de John Cale à l’attention de celles et ceux qui n’ont jamais entendu parler de notre gallois :
John naît au Pays de Galles en 1942. Montrant très tôt des prédispositions pour la musique, il suit une formation classique à Londres où il apprend un certain nombre d’instruments (piano, alto, guitare, basse).
A l’âge de 21 ans, ayant obtenu la bourse Leonard Bernstein, il intègre aux Etats-Unis le Conservatoire Eastman pour y apprendre la composition contemporaine. Déménagement à New-York, il y fréquente la crème de la musique contemporaine et expérimentale américaine : John Cage, La Monte Young, Aaron Copland. C’est en 1965 qu’il rencontre Lou Reed avec qui il fonde The Primitives qui deviendra le Velvet Underground…
John Cale apportera au Velvet les éléments issus de la musique contemporaine, son travail sur le son et les dissonances de son alto. Leurs égos respectifs se révélant particulièrement encombrants, John Cale se fera virer du Velvet en 68 par un Lou Reed se voulant seul maître à bord pour diriger le groupe vers un succès grand public rêvé (qu’il n’atteindra qu’un peu plus tard en solo).
La décennie 70 verra John Cale producteur de nombreux groupes précurseurs du punk : The Stooges, Sham 69, The Modern Lovers ou encore Siouxie & the Banshees. Ses propres albums, inégaux, seront marqués par les excès de leur auteur qui expérimente les drogues dures et les prestations scéniques violentes. De cette période, on retiendra plus particulièrement les albums Paris 1919 faussement calme et apaisé, Helen of Troy sous camisole et le bien nommé Fear.
Peter Hook (Joy Division / New Order) n’a par ailleurs jamais caché son admiration pour le gallois : "Le hard-rock ce n’est pas cette merde, tous ces groupes qui essaient de faire peur à leurs grand-mères… C’est John Cale...".
C’est au début des 80’s, rincé par une décennie d’abus en tous genres, que John Cale sort Music for a New Society. "Hanté" est le terme que m’a toujours évoqué cet album dont les onze morceaux originaux, de structure relativement classique et mélodieuse (les merveilleux "I keep a Close Watch" ou "Chinese Envoy"), sont parcourus, dans, et entre, les titres, de présences aux voix fantomatiques, de bruits stressants, de vides et silences angoissants, le tout servi par une production glaciale. La voix de John Cale y reflète son épuisement, ses angoisses et colères ("Damn Life").
Aujourd’hui, le coffret qui sort s’intitule M:FANS. Il regroupe la version remasterisée de l’album originel, agrémentée de quelques inédits. Mais surtout une version totalement retravaillée de l’œuvre initiale (les deux sont disponibles séparément) :
"Toute forme d'art est un cheminement personnel selon moi. Lors de l'enregistrement de M:FANS je me suis mis à détester chaque personnage qu'évoquaient les enregistrements originaux de Music For A New Society" explique John Cale. "Déterrer ces bandes a rouvert des blessures. Il était temps de balayer le désespoir de 1981 et de respirer une énergie nouvelle, de réécrire l'histoire. C'est alors que l'impensable est arrivé. Ce qui témoignait à l'époque de relations perdues et tourmentées en 1981 se répétait de nouveau. La perte de Lou (trop douloureuse à admettre) m'a forcé à reconsidérer l'ensemble du processus d'enregistrement et de recommencer depuis le début... Une perspective différente - un nouveau sentiment d'urgence à raconter une histoire d'un point de vue complètement opposé. Ce qui était alors de la peine, était désormais une forme de colère. Un terrain fertile pour exorciser les épreuves passées et réaliser qu'elles sont immuables. De la tristesse a jailli une force de feu !"
L’écoute de "Close Watch", titre apparu en 1975 sur "Helen of Troy", premier extrait disponible en ligne, donnera une idée du travail qui a été réalisé pour ces nouvelles versions. L’atmosphère y est plus dense et tendue qu’en 82, les fantômes qui habitaient les morceaux d’origine ont été remplacés par un brouillard de fréquences tout aussi angoissant.
Pas encore certain d’être totalement convaincu par le résultat de cet exercice, qui n’est pas sans rappeler la tentative de Brian Wilson (autre grand "cramé" du rock) de rebâtir, il y a quelques années, Smile son chef-d’œuvre perdu des 60’s, je m’accorde un peu de temps.
Il est trop tôt pour savoir si cette nouvelle version aura le même impact que la précédente, mais on peut encore reconnaître à John Cale, à 73 ans, une capacité intacte à se remettre en cause, se réinventer.
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