Réalisé par Charlie Kaufman et Duke Johnson. Etats-Unis. Film d'animation. 1h31 (Sortie le 3 février 2016).
Quand on prononce le nom de Charlie Kaufman, on sait d'avance qu'on ne va pas être devant un produit stéréotypé.
Au contraire, le scénariste de Spike Jonze pour "Dans la peau de John Malkovich" et "Adaptation", celui de Michel Gondry, pour "Human Nature" et "Eternal Sunshine of the Spotless", aligne les prototypes, les films qui sortent totalement de l'ordinaire.
Ce sera encore le cas d' "Anomalisa" qu'il co-réalise avec Duke Johnson. Cette fois-ci, le voilà du côté de l'animation avec un film qui utilise le procédé "Stop Motion" avec des "marionnettes".
Tout de suite, il faut écarter complètement l'idée d'emmener des enfants voir "Anomalisa" car ils n'y trouveront rien de plaisant, aucun moment de niaiserie enfantine.
En effet, Charlie Kaufman a construit un univers bien plus près de Kafka que de Disney. De plus, son personnage principal, Michael Stone, a un fichu caractère, aucune rondeur, aucun humour.
Auteur de «Comment puis-je vous aider à les aider ?", ouvrage sinistre destiné aux employés des "services clients", il est coincé dans un hôtel de Cincinnati à quelques heures d'un congrès où il doit faire une communication. Tout l'énerve, tout le renvoie à sa vie morose. Au point que pour lui, toutes les personnes qu'il croise ont la même voix, la même fadeur, la même absence d'intérêt.
Quand survient Lisa, qui participe presque en passagère clandestine au congrès où il va intervenir, il est très surpris qu'elle est une voix différente de toutes les autres. Lisa va donc devenir pour lui une anomalie, une "anomalisa" aux conséquences quasi-métaphysiques.
Il ne faut pas en dire plus car "Anomalisa" de Charlie Kaufman et Duke Johnson est avare en péripéties et préfère le huis-clos et l'introspection pour faire jaillir le fantastique dans ce monde singulier qu'il a élaboré.
Comme souvent dans les films écrits par Kaufman, et comme dans son premier long métrage ("Synecdoche, New York"), il faut accepter les prémisses de ses récits, sinon le voyage sera vite vain et ennuyeux.
Ici, pour entrer dans le film, il est nécessaire de surmonter l'antipathie naturel que suscite Michael Stone et d'accepter l'esthétique assez moche des "poupées" dont les tenues sont peu seyantes et qui évoluent dans des décors aux couleurs ternes.
On le répète : rarement un film d'animation aura été aussi peu "joliet" et l'on comprend pourquoi le jury vénitien a pu lui attribuer le "Grand Prix" à la dernière Mostra. En contrepartie, on a un film très adulte, quelque chose qui fait vraiment entrer les films en "stop-motion" dans le cinéma tout court.
"Anomalisa" de Charlie Kaufman et Duke Johnson ouvre à d'autres horizons le champ de cette technique et inaugure peut-être encore plus radicalement une nouvelle ère de l'animation que des films du genre de "Valse avec Bachir" et de "Persépolis" avaient pu le faire. |