Au Café de la Danse, trois concerts fort attendus pour une soirée qui pourrait s'intituler "Découvertes de Talitres". En effet, The National, Flotation Toy Warning et That Summer font partie des groupes découverts par le label Talitres à la tête duquel Sean Bouchard fait preuve d'un flair et d'une clairvoyance singulières.
En première partie, That Summer, le groupe mené par David Sanson, précurseur de la scène "dark-folk" française, qui vient de réaliser Clear, un album ambitieux et particulièrement réussi.
Entre folk, new wave, rock progressif et post rock atmosphérique, David Sanson propose des morceaux courts comme "The More I Think The More I Dream", joué en ouverture qui saisit le public.
Mais aussi comme " Where you are" ou "Heroinogirl", qui s'ingénient à créer des ambiances entêtantes dont le brusque arrêt, notes presques suspendues dans l'air, plonge l'auditeur dans la surprise puis dans une certaine frustration qui le rend d'autant plus demandeur du morceau suivant.
Il se dégage du groupe, composé de Vincent Touchard (batterie), Olivier Cavaillé (violoncelle-guitare) et Nicolas Orio (basse-guitare) une telle sérénité et harmonie que le public est vite conquis.
That summer officie aussi dans les formats plus classiques comme dans "True Light" alternant des passages doux et planants avec des envolées plus soniques sur lesquels se pose la voix atypique de David Sanson, au clavier et à la guitare, une voix traînante, lasse, presque lascive. Le set s'achève par un puissant et éblouissant "Brand new scar". En août 2004, Bluffer's Guide to the Flight Deck, le premier album du quintet anglais Flotation Toy Warning avait quelque peu défrayé la chronique allant jusqu'à émouvoir les Inrocks. Leurs points forts : un son planant, mélancolique, des mélodies accrocheuses, la voix particulière du chanteur qui flirte avec l'opéra et un format long plutôt atypique.
Leur concert à la Route du Rock, malgré quelques faiblesses mises sur le compte du stress et d'une programmation difficile dans le cadre festif d'un après-midi ensoleillé, avait néanmoins emporté l'adhésion du public.
Nous les avions revus à la Guinguette Pirate en novembre 2004 où quelques soucis techniques et les problèmes de voix de Paul Carter posaient les limites du groupe : un live qui se veut trop fidèle à la version album et la prégnance d'une voix qui peut comporter des faiblesses.
Nous attendions donc beaucoup de ce concert, le premier de leur tournée française 2005, et force est de constater une amère déception qui laisse a croire que Flotation Toy Warning n'est peut être pas un groupe de scène.
L'ambiance est molle, flottante (sic!) mais pas planante, le groupe ne semble pas complètement "dedans" trop concentré sans doute à force de vouloir bien faire et reproduire le son de l'album.
Fâché avec la technologie comme le répète à plusieurs reprises Paul Carter, le groupe se laisse déstabiliser par les bandes facétieuses qui cassent l'ambiance qui a dû mal à perdurer.
Paul Carter quant à lui éprouve bien des difficultés à assurer la partie vocale avec une voix pour le moins incertaine, nettement en dessous de celle enregistrée en studio.
Or, ce sont les variation de voix qui contribuaient pour beaucoup à l'originalité des morceaux comme le psychédélique "Made from tiny boxes", les trémolos de "Happy 13", l'impériale "Even fantastica" ou l'épique "Donald Pleasance".
Entrent enfin en scène les membres de The National, l'un des meilleurs groupes actuels.
Fils de Leonard Cohen et de New Order, petit frère de Nick Cave et des Tindersticks, leur second album, Sad songs for dirty lovers, avait révélé au public français son rock déraciné, entre rock américain et pop-rock british, enveloppant la voix atypique de Matt Berninger qui oscille du murmure au cri. Leur EP tout en douceur Cherry Tree nous a fait patienter jusqu'à ce 3ème album Alligator, réalisé avec le concours de Peter Katis, le producteur d'Interpol et Paul Mahajan qui a travaillé avec les Yeah Yeah Yeah, d'un aboutissement et d'une densité qui consacrent leurs talents.
La qualité de The National tient à la symbiose totale d'instrumentistes dotés d'une forte personnalité musicale autour d'un chanteur charismatique. La quadrature du cercle. Petit miracle pour un groupe qui, avec Alligator, gravit un échelon supplémentaire vers l'excellence en confiant l'orchestration à Padma Newsome, compositeur australien, violoniste et leader des Clogs au sein duquel officie Bryce Dressner, et qui désormais les accompagne.
Impossible de ne pas reconnaître le son de The National dès les premières notes. S'ils reprennent des titres phares comme "Murder me Rachel", "Cherry Tree", "Available" ou "Slipping husband", The National nous donne également un bel aperçu de leurs nouvelles compositions hantées par le désir, la violence, la passion et la folie.
Le concert démarre avec "All the wine" qui annonce la couleur ("I'm a perfect piece of ass/Like every californian/And all the wine is all for me").
.Enchaînement direct sur "Secret meeting"
au pop rock mid tempo densifié par des choeurs hurlants
(" Didn't anybody tell you how to gracefully disappear in a room / I know you put in the hours to keep me in sunglasses/I know/I'm sorry I missed you/I had a secret meeting in the basement of my brain"). Des paroles souvent sulfureuses, des guitares incisives et rageuses comme sur le rock tout en énergie pure de "Abel" nick cavien qui démarre à fond les manettes avec la voix éructuante de Matt Berninger, chanteur investi, comme possédé sur scène.
Chanteur et auteur des textes pétris d'introspection, de doute et de force vive tels "The geese of Beverly road" ("Oh, come be my waitress and serve me to night/Serve me the sky tonight/Oh come, come be my waitress and serve me tonight/Serve me the sky with a big slice of lemon") ou "Baby we'll be fine" ("I put off your jeans and you spill jack and coke in my collar/I melt like a witch and scream/I'm so sorry for everything").
Sur la rythmique imparable, sobre, nette et rigoureuse de Bryan Devendorf, se greffent des guitares virtuoses (Bryce Dessner et Scott Devendorf), une basse ravageuse (Aaron Dessner) et un violon frénétique (Padma Newsome qui transcende un "Lit up" vertigineux et irradie "Cherry Tree" ) pour un "Mr November" rageur et féroce ("I'm Mr November, I won't fuck us over/I wish that I believed in fate/I wish I didn't sleep so late/I used to be carried in the arms of cheerleaders").
Un concert excellent qui s'achève un peu brutalement après un court rappel avec le diktat du régisseur de la salle . Il est 22h38 !
Si The National passe près de chez vous, ne le ratez pas ! |