Dans le cadre de sa démarche d'ouverture aux modes d'expression de l'art contemporain et de l'institutionnalisation de la photographie, la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais présente une exposition rétrospective consacrée à l'un des pionniers de l'art photographique de son pays, le photographe malien Seydou Keïta (1921-2001) de surcroît considéré comme un des grands portraitistes du 20ème siècle.
Celle-ci ressort également à la tendance actuelle
de monstration d'oeuvres de collections privées, et, en l'occurrence, celles de la Contemporary African Art Collection (CAAC) sise à Genève, la plus grande collection au monde d''art africain contemporain constituée par l'homme d'affaires français Jean Pigozzi.
Elaborée sous le commissariat de Yves Aupetitallot, historien d'art et ancien directeur de musée, en collaboration avec Elisabeth Whitelaw, et André Magnin marchand d'art, respectivement directrice et directeur artistique de la CAAC, l'exposition se déroule dans une scénographie en ligne de fuite conçue par réalisée par Myrtille Fakhreddine et Nissim Haguenauer de l'agence Gare du Nord Architecture dont les couleurs dragées subliment les photographies en noir et blanc.
Le parcours chronologique composé d'un important ensemble de tirages argentiques modernes, réalisés de son vivant sous la supervision de Seydou Keïta, s'articule autour d'une superbe rotonde consacrée à la section Vintages exposant une centaine de photographies d’époque, des
tirages contact, au format du négatif.
Quelqu’un qui n’a pas fait sa photo avec Seydou Keïta n’a pas fait de photo !
C’est ce qui se disait dans les années
1950-1960 à Bamako où Seydou Keita, avant de devenir le photographe officiel de la jeune République du Mali, s'était spécialisé dans la photo commerciale de studio et plus précisément dans le registre du portrait.
A la photographie documentaire, voire ethnographique de l'homme africain, succède le portrait photographique de commande, registre dans lequel il va s'illustrer et dont les tirages modernes superbes
résultent du travail émérite de Payram, tireur du Laboratoire Picto Paris.
Pour le portrait individuel, notamment le portrait rapproché en buste, il ne tend pas à la simple reproduction de la ressemblance physique, telle qu'exigée pour une photographie d'identité, mais décline les conventions du portrait pictural et adopte les codes esthétiques du portrait de studio, un studio en plein air qui est la cour de son magasin.
Le but est d'embellir le modèle en cherchant l'angle le plus flatteur, tel le portrait à la Harcourt mais avec pour spécificités la présence d'un décor de fond, voire une mise en scène accessoirisée, et un travail à la lumière du jour.
Ce portrait qui, notamment pour la figure féminine toujours parée de ses plus beaux atours, révèle parfois leur intériorité et souvent une certaine mélancolie rêveuse, ressort essentiellement à l'art de la représentation.
Et clin d'oeil à la photographie d"indigènes", il n'hésite pas à la les faire poser dans la pose indolente de l'odalisque.
Une représentation de soi idéalisée qui peut également tendre à une représentation sociale de réussite, celle réelle des nantis comme celle de ceux qui y aspirent, posant en pied avec les symboles d’ascension sociale que sont à l'époque la radio, la voiture et le scooter.
Et déjà se profile la société de l'image avec les portraits de groupe de la jeunesse malienne aspirant à l'émancipation.
Entre tradition et modernité, les jeunes filles font du vélo en boubou et les jeunes gens font les kékés en roi de la sape.
Si sont immortalisés quelques couples, rares sont les vrais portraits de famille sans doute en raison de leur taille liée à la pratique de la polygamie. Ils constituent plutôt des portraits de groupe ou de fratrie dans lesquels les enfants sont saisissants de naturel au regard des adultes concentrés leur attitude.
Le visiteur peut utilement préparer et/ou compléter sa visite en consultant le site officiel de Seydou Keïta comportant une galerie conséquente ainsi que des interviews et, à l'entrée de l'exposition, une cabine Fotoautomat lui permet de s'enquérir d'un petit autoportrait-souvenir customisé "à la malienne" |