Depuis de nombreuses années, le clarinettiste David Krakauer a contribué à exploser les formes de la musique klezmer, en la mêlant à toutes sortes d'influences, de détours et de chemins de traverse. Ce fut longtemps le cas avec le saxophoniste John Zorn. Au début de ce siècle, il affrontera également les platines du canadien SoCalled au sein du Klezmer Madness. Cette alliance de l'électronique et d'une tradition absolument ouverte a considérablement fait progresser le genre. Sans doute autant que les Klezmatics, le groupe de Frank London et... David Krakauer dans les années 90.
Le poids de SoCalled dans maints projets de Krakauer est remarquable. Il a largement influencé une scène de plus en plus conséquente, singulièrement dans l'Hexagone. C'est ainsi que de l'Anakronic Electro Orchestra (AEO) jusqu'à Emilien Véret dans un registre plus proche du jazz, la trace de cette musique syncrétique est sensible. C'est avec Mikaël Charry à l'électronique et Ludovic Kierasinski à la basse que le new-yorkais boucle la boucle. Les deux musiciens de l'AEO, devenu le lapidaire Anakronic croisent de nouveau le clarinettiste pour un disque entier. Il était déjà apparu sur l'excellent Noise in Sepher, de l'AEO ; Anakronic / Krakauer est une construction collective où le groove acide des français vient presser le timbre agile de la clarinette jusqu'à lui intimer des besoins de courses effrénées ("Electric Bechet").
Là où So Called appuyait ses architectures sonores sur des samples de disque patrimoniaux du folklore juif, jouant avec ce décalage, Anakronic a une vision plus futuriste. Bien sûr, les sons vintage de "Daidalos", qui jouent à merveille avec la clarinette donnent une coloration étrange, fictionnelle qui sied à la rigueur rythmique de Krakauer. Sur "Karel Capek" (du nom de l'écrivain de SF tchèque à qui l'on doit le mot robot), la clarinette se heurte à son double au milieu des multiples nappes qui bousculent un thème des plus traditionnels.
Le sentiment d'avancée tous azimuts est à son apogée lorsque la rappeuse Taron Benson, une habituée de l'AEO pose son flow écorché sur "The City's on fire". C'est un fait : ce sont les invités qui renforcent l'allure mutante d'Anakronic / Krakauer. Bill Laswell bien évidemment, qui remixe "Human Tribe" en fin d'album pour y ajouter un surplus de dub, mais aussi l'accordéoniste Vincent Peirani dont la vivacité fait merveille sur bons nombres de morceaux. Un joyeux mélange pour une musique qui se sent chez elle dans tous les climats et danse même au plus profond des décors urbains que nous propose ce bel album.
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