Le Petit Palais présente une exposition dont le titre "Dans l'atelier - L'artiste photographié d'Ingres à jeff Koons" invitant à "pénétrer dans le monde secret des ateliers d’artistes" s'avère particulièrement intéressante et propice à attiser la curiosité dès lors que ceux-ci constituent le lieu privilégié de la création artistique.
D'autant que l'abondante iconographie picturale sur le thème de l'atelier d'artiste qui a trouvé son apogée au 19ème siècle a été relayé par la photographie dont il constitue un des sujets récurrents.
Si le sujet résultant du titre, avec en affiche, Picasso au travail, est nettement circonscrit à l'artiste photographié dans son atelier, il ne constitue que la portion congrue de cette monstration foisonnante, près de quatre centaines de photographies, et ce, sans doute, en raison du commissariat tricéphale assuré par Delphine Desveaux, directrice des collections Roger-Viollet, Susana Gállego Cuesta, conservatrice de la collection photographique du Petit Palais, et Françoise Reynaud, conservatrice en charge des collections photographiques du Musée Carnavalet.
Cela étant, elle bénéficie d'une belle et harmonieuse scénographie de lignes et volumes rythmés par une palette trichromatique élaborée par le Studio Gaëlle Seltzer avec un accrochage dynamique qui valorise la multitude de formats.
Une exposition dont le héros est l'artiste ou le photographe ?
Dès la note de présentation la question se pose tant les finalités sont plurielles : pénétrer dans le monde secret des ateliers d’artistes, s’approcher au plus près du processus de création de l’artiste, de l'artiste à l'oeuvre et du geste créateur mais aussi traiter de la méditation du photographe, du regard photographique sur l’atelier, et une approche de l'histoire de la photographie et des arts.
Et l'ambiguïté s'installe dès l'entrée de l'exposition avec des cartels qui privilégient le nom du photographe figurant en majuscules "en haut de l'affiche", et des photos qui représentent un atelier vide, en l'occurrence celui des blockbusters de l'art contemporain, tels Anish Kapoor, Ron Mueck et Jeff Koons, photos documentaires au cadrage identique réalisées par Gautier Deblonde qui doivent s'entendre comme conceptuelles dès lors que ce dernier indique qu'il s'agit de "portrait d'une présence dans l'absence".
Approche à laquelle est consacrée la troisième section du parcours intitulée "Médiations photographiques" avec un espace "white cube" dédié aux photographies "qui hissent l’atelier au rang d’oeuvre" traite de l'atelier vide qui "devient objet, le prolongement même de l’artiste" et dont certaines sont également insérées dans les sections précédentes.
Celles-ci, dont, par ailleurs, le contenu effectif ne rend pas vraiment compte de l'intitué, corrobore le floutage de l'exposition.
Ainsi, la première, "L'artiste en majesté", présente de nombreux portraits d'artistes, équivalent photographique du genre du portrait officiel en peinture, portraits posés voire mis en scène, des artistes "sur le motif", dans leur atelier, ne faisant rien ou esquissant un geste artistique, pinceau ou burin à la main qui pose les limites du médium photographique dont l'instantané ne saurait traduire un geste en mouvement et qui, dès qu'il s'aventure hors du registre documentaire objectif, ressort à la mise en scène révélatrice de la subjectivité du photographe, peut-être de l'égo identitaire de l'artiste mais difficilement de l'acte créateur ou du génie.
Ensuite, l'exposition aborde un sujt plus large que celui de l'artiste dans son atelier et de son rapport avec l'art avec la section "La vie dans l'atelier de l'artiste" dans laquelle la figure de l'artiste n'est qu'une figure presque secondaire puisque sont présentées façon pêle-mêle, des photos de tiers, épouse, élèves, modèles, visiteurs, et... animaux domestiques, de mains d'artistes, de pieds et vêtements de modèles, d'ateliers vides voire de vue extérieure d'ateliers anonymes.
Une déambulation rapide ne pourra guère éclairer le visiteur qui ne retiendra qu'une typologie chronologique des ateliers : salons-ateliers pour les peintres établis du 19ème siècle qui ressemblent à de barbus barbons bourgeois et peignent en costume trois pièces-redignote immortalisés par le photographe et éditeur d'art Edmond Bénard spécialiste des intérieurs d'artistes, ateliers bohême pour les avant-gardes, gourbis pour les artistes maudits ou bobo-capharnaum pour les autres, et lofts standardisés pour les plasticiens contemporains.
Derrière l'objectif, de grands noms de la photographie, BrassaÏ, Cartier-Bresson, Doisneau, et pour les générations suivantes ceux de Gérard Rondeau, Martine Franck et Marie-Paule Nègre qui oeuvrentrarement à compte d'auteur mais dans le cadre de photo-reportages pour la presse généraliste, du magazine féminin au magazine people.
A défaut d'entrer dans l'intimité de la création, et à condition d'avoir quelques connaissances sur la biographie et l'oeuvre de l'artiste, ces photographies permettent de visualiser l'environnement dans lequel il évoluait.
Au visiteur se laisser guider par son instinct pour apprécier, par exemple, les portraits "cartes de visite" des grands artistes, comme Ingres et Fantin-Latour, dont le visage est moins connu que leur nom, découvrir l'atelier de Francis Bacon miniaturisé par Charles Matton dans une de ses "boîtes", Louise Bourgeois aussi inquiétante que ses oeuvres, Avigdon Arikha à côté de son autoportrait et le duo Gilbert et George dans une pose de photo de mariage.
Et pour celui qui ne serait pas saturé d'images, un dispositif numérique permet de visionner une sélection de photographies non exposées destinée à lui permettre de composer sa petite exposition personnelle. |