L'exposition "Araki" programmée au Musée Guimet constitue l'exposition-phare de la saison muséale non seulement car consacrée à figure majeure de la photographie contemporaine japonaise mais à un artiste de réputation "subversif et sulfureux" et dont le nom restrictivement associé au bondage.
Le commissariat est assuré par Jérôme Neutres, conseiller pour le développement culturel, artistique et scientifique du Grand Palais, qui après,
le porno-chic sur papier glacé de Helmut Newton et l'homérotisme pornogénique de Robert Mapplethorpe , se penche sur l'oeuvre de Nobuyoshi Araki, "le diablotin de la pop culture japonaise".
Dans une scénographie en ligne de fuite conçue par les architectes japonaises Naori Yamazoe et Chiaki Yatsui, il présente - non une rétrospective au demeurant impossible en raison de la production colossale d'un photographe compulsif - mais une traversée éclairée et vulgarisatrice qui révéle l'ancrage dans la tradition japonaise et
les topiques arakiens. Araki - Le roman-photo de ma vie
L'exposition s'ouvre sur un mur-bibliothèque de plus de quatre cents albums, médium privilégié de Araki qui a choisi d'oeuvrer dans le registre du livre photographique et sur une salle au bucolique motif floral, à entendre néanmoins comme métaphore essentiellement érotique du sexe féminin.
La femme dans sa nudité, et son intimité, origine du monde et continent noir qui fascinent l'homme,constitue un de ses thèmes de prédilection avec la déambulation urbaine et les lieux secrets qui se révèle dès
ses premiers clichés de 1965 publiés qu'en 2011 sous le titre, "Théatre de l'amour".
Cet obscur objet du désir constitue l'articulation de son spectre thématique amoureux au demeurant classique, celui d'Eros-Thanatos, par deux séries, celle fondatrice du "Voyage sentimental" retraçant son voyage de noces en 1971 et celle du "Voyage en hiver" en 1990 retraçant la maladie et la mort de son épouse et muse.
Ensuite, le commissaire n'a retenu que quelques séries, telles "Tokyo Nude", qu'Araki nomme "Une femme nommée Tokyo", la femme metépahore de la ville-matrice avec ses paysages urbains impersonnels et ses lieux cachés dans lesquelles la femme se prête au jeu du sexe et des cordes.
Et "Tokyo Comedy", avec pour couverture un portrait d'Araki tenant un lézard-totem qu'il instille dans nombre de ses clichés posés. Ce portrait est accroché en regard des photos de la série "Imparfait-Futur" comprenant des photos prises sur trois décennies qui formalise sa démarche.
Araki photographie tout ce qui bouge et tout ce qui ne bouge pas, tout ce qui se voit et ne se voit pas, non avec un Leica greffé sous l'aisselle ou lesté du dernier modèle Nikon mais avec des appareils jetables et notamment des polaroïds pour ne rater aucun des moments de sa présence au monde et ce, sans souci esthétique, dans une démarche qui ressort à celle du photograohe-diariste.
Ainsi l'exposition infirme et confirme sa réputation de photographe sulfureux et subversif. Sulfureux pas vraiment car son travail est ancré dans la tradition culturelle japonaise tant par la thématique - la représentation érotico-pornographique de la geisha en kimono, sujet de l'art du shunga, les estampes qui perdurèrent pendant trois siècles jusqu'à l'avènement de la photographie, à la collégienne impubère en jupe plissée et soquettes blanches propres aux fantasmes nippons contemporains.
Tout comme il s'inscrit dans la pratique de la photographie de corps ligoté selon la pratique du bondage érotique, le kinbaku né dans les années 1950-1960, hérité d'une technique de ligotage policier ancestrale. De plus, en la forme, son choix de l'album constitue la transposition moderne de l'ancestral émaki, le rouleau peint.
De même, il revisite le médium photographique avec ses photographies peintes et ses photographies calligraphiées.
D'autre part, l'exposition se penche sur les deux topiques arakiens, l'instantané et l'accumulation. Dans le premier réside un certain type de subversion en ce que Araki ne se soucie ni de préceptes esthétiques ni des normes de la représentation telles que pratiquées dans les arts visuels.
Quant au second il concourt à l'élaboration d'un journal intime photographique, un roman-photo autofictionnel, pratique née dans les années 1970 qu'il partage avec d'autres photographes, comme par exemple Nan Goldin avec laquelle il a collaboré en 1995 pour une immersion dans la sexualité adolescente et l'underground transgenre ("Tokyo Love"). L'exposition se clôt sur la série testamentaire "Tokyo Tombeau", création de 2015 réalisée spécifiquement pour celle-ci à partir d'une combinaison de photos de toutes époques, présentée dans une rotonde obscure évoquant un temple bouddhiste.
Mais le septuagénaire ne désarme pas même s'il déclare être déjà dans l'au-delà, et vient de publier "Eros Diary". Il a, par ailleurs une seconde actualité parisienne à la Galerie &co119 qui présente sous le titre "Polanography" une série de photomontages réalisées à partir de sin thésaurus de polaroids. |