En corrélation avec la trentième anniversaire
de sa collection Arts de la mode, le Musée des Arts décoratifs propose avec "Fashion Forward" un voyage chronologique à travers trois siècles de mode de 1715 à 2016 conçu sous le commissariat de
la conservatrice générale de ce département Pamela Golbin.
En l'espèce, et à défaut de tout vêtement de production courante, la mode est entendue non en termes de mode vestimentaire telle qu'elle se conçoit dans le cadre d'une histoire du vêtement, mais comme celle des élites sociales, vêtements d'apparat et d'exception destinés à l'aristocratie française du 18ème siècle, la bourgeoisie mondaine européenne du 19ème siècle et l'internationale des nouveaux riches du 20ème siècle.
Visuellement attractive, la monstration scénographiée par Jérôme Kaplan sous la direction artistique du chorégraphe anglais Christopher Wheeldon, lequel a réalisé avec les danseurs de l'Opéra de Paris un film jouant des codes de la danse classique pour évoquer les corps corsetés des fêtes galantes dont des extraits sont projetés en début de parcours, ressort au genre des expositions scénarisées ce qui sied à la futilité du sujet même si, en deçà, elle rend hommage aux savoir-faire des artisans du textile désormais englobés dans l'industrie du luxe.
Fashion Forward : l'art de vivre et du paraître des élites
L'exposition se décline en deux parties à l'approche quasi antinomique. Dans les galeries latérales côté Rivoli, la première, du 18ème siècle au milieu du 20ème siècle, inscrit le vêtement dans sa classique fonction sociale liée au cérémonial de Cour, propre à l'aristocratie de l'Ancien Régime et à la noblesse impériale, puis aux fastes de la grande bourgeoisie en quête d'instauration d'un nouvelle caste.
Les codes de la mode masculine, féminine et enfantine dans une contextualisation illustrative qui, cependant, ne tend pas à la mise en situation dans un intérieur reconstitué.
Ce qui aurait pu être réalisé en puisant dans les collections de mobilier, arts de la table, peinture et sculptures de ce musée dédié aux beaux-arts appliqués.
En l'occurrence, avec, en regard, des vitrines comportant accessoires et bijoux dont des curiosités comme les plastrons en taffetas brodé surnommés "pièce d'estomac" et les boîtes à mouches en porcelaine, les vêtements, disposés sur des podiums, retracent des "moments de mode" avec en toile de fond boiseries, trumeaux et scènes pastorales ou des papiers peints panoramiques, notamment ceux de la Manufacture Zuber fondée en 1797 qui est toujours en activité.
Ainsi
les modèles Directoire et Empire se promènent en bords de Seine devant la vue des monuments de Paris
alors que la valse des crinolines se déroule de manière paradoxale dans le cadre paysager d'une nature exotique.
Le parcours comporte également des focus sur certains couturiers tels ceux consacrés à l'anglais Charles Frederick Worth, fournisseur de l'impératrice Eugènie et fondateur de la Haute Couture, et Jacques Doucet qui a fait fortune à la Belle Epoque. Dommage qu'un pendant ne soit pas consacré à Christian Dior et au "New Look" qui dans les années 1950 marque une rupture stylistique en parallèle avec la naissance du prêt-à porter qui va conduire à l'émergence des créateurs et stylistes qui contribuent au foisonnement de la mode contemporaine.
Cette section comporte de belles idées comme
les créations de Paul Poiret qui, par un jeu de lumière, apparaissent derrière la reproduction sur tulle des dessins ad hoc réalisés par l'illustrateur Paul Iribe dans l'ouvrage-catalogue de commande intitulé "Les Robes de Paul Poiret" et, sur un escalier hélicoïdal miniature,
les délicieuses poupées de mode créées par deux soeurs connues sous la signature Lafitte-Désirat.
Dans la Grande Nef, point d'orgue de l'exposition comme un final opératique, la seconde période, que la commissaire place sous le signe de la "Planète mode"', ne concerne que la mode féminine, et hors accessoires, des six dernières décennies globalisées..
Nonobstant la superbe scénographie, en forme de défilé sur de monumentaux escaliers hélicoïdaux blancs qui évoquent les figures impossibles de Escher, la présentation façon "pêle-mêle", si elle donne un aperçu de la diversité créatrice , manque de lisibilité à défaut d'en dégager les lignes novatrices.
Cela étant, la machine à rêve fonctionne et le visteur est emporté dans ce spectaculaire manège. |