Clio
(uGo & Play / L'Autre Distribution) avril 2016
On évitera les trop évidentes blagues automobiles pour parler de ce premier album de Clio qui, sur la chanson d'ouverture, narre ses aventures lorsqu'elle remonte le boulevard Haussmann à l'envers et à vélo. Croisée régulièrement sur les scènes parisiennes depuis quelques mois, la jeune femme, diplômée en lettres modernes, se retrouve tout de suite étiquetée chanteuse bobo en raison de sa chanson sur Eric Rohmer.
Dans la forme, il est vrai que le ton de Clio, proche de celle d'une Carla Bruni période premier album (de toute façon, comme tout le monde, je ne connais absolument pas les albums suivants de Madame Sarkorzy) et les textes qui pratiquent allègrement le name-dropping à la mode Vincent Delerm, ne plaident guère en sa faveur. Ensuite, la version bonus de "Eric Rohmer est mort" featuring MC Fabrice Luchini (tout jeune acteur dans Perceval le Gallois de Rohmer), qui enterre deux fois le cinéaste sur une seule galette, la place dans la case divertissement pour amateur de théâtre. Dès la première écoute du disque, on imagine celui-ci défendu par Télérama en raison de ses aspects à la fois parisinistes mais aussi agréablement doux et cultivés, et recevant les critiques bienveillantes des participants du Masque et La Plume malgré quelques piques d'esprits chagrin qui lui reprocheront d'être un peu lisse.
Au vu de l'esthétique choisie par Clio, de son mode de narration, la cohérence de sa démarche est évidente : faire de son album un penchant musical aux films du cinéma français inspirés de la Nouvelle Vague. Mais alors que le cinéma français récent se réinvente à travers le regard de jeunes réalisateurs (Katell Quillévéré, Justine Triet, Julien Seri...), Clio semble plutôt avoir en ligne de mire des cinéastes de la génération précédente (Pascale Ferran, Arnaud Desplechin et surtout Noémie Lvosky). Ces cinéastes ont en commun de réaliser un cinéma respectueux des codes érigés dans les années 60, et surtout de ses figures de héros, à savoir des jeunes gens de leur temps, poursuivant ou ayant poursuivi des études supérieures, souvent oisifs et en quête d'amour. Tout au long du disque de Clio, écrit le plus souvent à la première personne du singulier, on suit cet archétype de personnage.
Ce premier disque, réalisé par Alain Cluzeau (Bénabar, Olivia Ruiz), touche dans sa production à une certaine forme de réalisme, même si coloré de sépia. Les arrangements de cordes signés Etienne Champollion (accompagnateur d'Emilie Marsh) lorgnent aussi vers Michel Legrand, compagnon de route de Godard, Demy et Varda.
En conclusion, le disque de Clio est un charmant hommage chanté au cinéma d'auteur par sa forme, mais oublie malheureusement le souhait des "jeunes turcs", emmenés par François Truffaut, de bousculer les codes établis de l'époque.
Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.