Spectacle de formes animées sur une histoire de Camille Trouvé et Brice Berthoud interprété par Camille Trouvé. La personnalité psychotique, le génie incontesté et le destin tragique de Camille Claudel, abandonnée de tous, morte de faim en 1943 après 30 années d'internement initié par son frère Paul Claudel, le converti, qui s'est consacré à sa carrière diplomatique puis littéraire en oubliant la première des vertus chrétiennes qu'est la charité, le corps disparu dans une fausse commune, ne cessent de passionner et d'inspirer les artistes.
Telle la Compagnie Les Anges au Plafond qui lui consacre un diptyque dont "Du rêve que fut ma vie (ceci est le cauchemar)" constitue le deuxième volet et propose une évocation biographique fragmentaire dans le cadre de sa vocation dédiée, celle du travail sur les formes animées avec "une recherche sur la matière en relation avec un thème, un texte et le mouvement".
En clair, il est procédé à une hybridation singulière du théâtre et des arts plastiques avec, en l'occurrence, un travail sur, non la glaise attendue, mais le papier pour illustrer une histoire racontée comme "à livre ouvert" et, surtout, en résonance avec la partition textuelle constituée d'extraits de lettres originales essentiellement écrites par Camille Claudel, celle-ci devenant un personnage incarné par la comédienne-marionnettiste Camille Trouvé.
Pour tracer ce biopic théâtral animé, du génie à la folie et de l'atelier à l'asile, Brice Berthoud, qui signe la scénographie et la "mise en page" du spectacle, et Camille Trouvé ont conçu de très belles et créatives propositions dramaturgiques et visuelles incluant le théâtre d'ombres et combinant, de manière harmonieuse et cohérente, jeu, musique et lumière.
Sur scène, la réussite de ce spectacle de grande(s) qualité(s) tient à une triade féminine oeuvrant en étroite symbiose. Marina Gabillaud-Lamy gère un subtil travail de lumières et la contrebassiste Fanny Lasfargues, usant de toutes les potentialités de son instrument, de la corde frappée à la percussion, interprète une composition intégrée à la partition qui intervient comme une seconde voix.
Et elles portent à son acmé le jeu juste de Camille Trouvé, dans le costume "fregoli" confectionné par Séverine Thiébault particulièrement percutant dans la sarabande de la folie avec des manches déployées qui annoncent celles de la camisole de contention, et ses maîtrises et virtuosité techniques de la création papier in situ.
Remarquable. |