Comédie d'après l'oeuvre de Honoré de Balzac, mise en scène de Robin Renucci, avec Judith D’Aleazzo, Tariq Bettahar, Bruno Cadillon, Daniel Carraz, Gérard Chabanier, Thomas Fitterer, Sylvain Méallet, Patrick Palmero et Stéphanie Ruaux.
Vivre de ses rentes sans en avoir, telle est la performance de haute voltige financière à laquelle s'astreint Mercadet, "Le Faiseur", personnage d'une comédie satirique sur le microcosme de l'affairisme corollaire de l'ascension de la bougeoisie bien "boutiquée" par Honoré de Balzac, avec une intrigue ressortant à la comédie domestique, le mensonge comme ressort actantiel et un habile faux coup de théâtre à renversement.
Menacé de banqueroute par ses créanciers, Mercadet, manipulateur aguerri vivant d'expédients, emprunts, cavalerie et arnaques en tous genres, est au creux de la vague. Même sa roue de secours, un associé millionnaire nommé Godeau qui joue l'arlésienne, a fait long feu et il ne lui reste qu'une seule échappatoire, celle du riche mariage imposé à sa fille. Mais celui-ci sera-t-il à la hauteur de ses espérances pour éviter la curée ?
Avec une mise en scène au cordeau, Robin Renucci signe un beau, et réussi, spectacle de troupe ressortant au burlesque qui fait la part belle aux comédiens portés par la savoureuse galerie de personnages balzaciens et au divertissement qui, toutefois, n'élude ni le fond du propos, ni sa résonance contemporaine.
La partition, resserrée par la dramaturge Evelyne Loew et adaptée au dispositif du théâtre de tréteaux est montée "dans son jus", avec de superbes costumes et perruques d'époque, confectionnés respectivement par Thierry Delettre et Jean-Bernard Scotto, mais revisités à l'aune du trait du caricaturiste Honoré Daumier, qui partageait avec Balzac tant le prénom que la sagacité d'observation des mœurs de leur temps, réfrence d'autant plus judicieuse qu'il illustra la Comédie humaine.
Dans la scénographie conçue par Samuel Poncet, un salon de réception d'un appartement haussmannien en désordre au centre duquel un plateau en parquet noir constitue l'espace de jeu, et sous les lumières en clair-obscur de Julie-Lola Lanteri-Cravet qui sied au temps de l'éclairage au gaz, se déroule, entre deux mondes, celui de l'argent et celui des sentiments, un étourdissant ballet de dupes.
Y sont mis aux prises trois couples - les employés de maison créanciers de leurs maîtres (Judith D’Aleazzo et Tariq Bettahar), les amoureux contrariés (Jeanne Brouaye et Sylvain Méallet) et les époux Mercadet (Stéphanie Ruaux et Bruno Cadillon) - le choeur des des créanciers (Gérard Chabanier et Patrick Palmero multi-rôles) et des électrons libres en miroir que sont l'ami (Daniel Carraz) et le prétendant filou double juvénile de Mercadet (Thomas Fitterer).
Tous les comédiens remplissent le cahier des charges en officiant dans le registre du grotesque maîtrisé et mention spéciale à Bruno Cadillon dans le rôle-titre qui lui offre une belle palette d'interprétation.
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