Run est le titre du premier album de Ruppert Pupkin paru sur le label Microcultures. Ce pseudonyme est emprunté au personnage principal de The King of Comedy, un film de Martin Scorcese datant de 1983. Robert De Niro y incarne le personnage de Ruppert Puppkin, un comique tentant désespérément de percer dans le milieu de l’entertainment.
Sur Run, la voix d’Emmanuelle Destremeau (qui n’est pas sans rappeler celles de P.J. Harvey ou Beth Gibbons) sert de fil conducteur au film dramatique égrené tout au long des 11 titres composant l’album. Celui-ci est réalisé par le crooner rock Pygmy Johnson, fer de lance du Kraut’n Roll (un mouvement lancé par ses propres soins). Johnson apparaît également sur Run en tant que chanteur sur le superbe duo avec Ruppert Pupkin intitulé "My Precious Vodoo Doll" (piste 10 du disque). Cette danse macabre entre deux amants maudits se situe à la frontière entre "Lay Down Your Blade" du groupe Joy Wellboy et un titre des Tindersticks. On peut même y voir une parenté avec "Where Wild Roses Grow", le mythique duo de Nick Cave et Kylie Minogue.
Les 11 titres de l’album dressent le portrait d’un univers dangereux, oppressant et torturé. Même l’amour y est synonyme de danger. Emmanuelle Destremeau vient du monde du cinéma, elle y officie en tant qu’actrice, réalisatrice et auteur. Ses chansons sont ainsi teintées d’ambiances cinématographiques. "Save U" nous emmène dans le décor d'Un long dimanche de fiançailles avec cette femme s’adressant à son homme parti au combat. L’amour est absolu sur ce morceau, il transcende la mort et sauve des bombes et des obus. L’électro pop de "Take Care" nous rappelle que ce sentiment amoureux peut aussi être source de danger. Ruppert Pupkin met en garde son interlocuteur : "Take care of yourself / I could be unsafe". Avec cette intime mise en garde la vigilance est de rigueur, même si des engagements ont été formulés : "I’ll be careful I’ll / Try to follow the rule". Bien qu’étant vénéneux sur ce titre, le personnage féminin supplie l’amour de sa vie de la garder malgré tout : "Take care but / Take care but / Take care but / Take me".
Le fantastique et l’horreur s’invitent également à la fête à travers 3 titres : "Run", "Visions" et "Ô My Dead". Les vampires, les anthropophages ou les fantômes rôdent entre les lignes de ces morceaux ("Run" a d’ailleurs servi de bande originale sur une séquence d’un court-métrage de Bruno Merle mettant en scène une femme nue dans la forêt, poursuivie par des vampires). Le cri d’outre-tombe de Ruppert Pupkin à la fin de "Visions" sert à merveille l’ambiance du morceau. La dépossession (sur "My Pain", tout est spolié : cheveux, vêtements, voix, rêves, chansons, et même l'amour. Tout lui échappe, à l’exception de ses sentiments), la solitude (elle est évoquée dans l’un des meilleurs titres de l’album : "Your Sister") et la culpabilité ("How Many Lives") font aussi partie des thèmes explorés par Ruppert Pupkin.
Run ne prête donc pas à sourire, mais là n’est pas son propos. Cet album nous fait réfléchir sur l’état de notre société et la petite place que l’amour tente difficilement, mais ardemment encore, de s’y faire. Notre relation aux autres y est questionnée. "Stay", le dernier titre du disque, met un point final au propos de Ruppert Pupkin en y instillant un peu de rêve et d’espoir. Histoire de montrer que même au cœur de l’hiver le plus froid, le soleil continue de briller.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
On fait le plein de découvertes cette semaine avec des tas de choses très différentes mais toujours passionnantes. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.