Réalisé par Eric Khoo. Singapour/Hong Kong. Drame érotique. 1h30 (Sortie le 24 août 2016). Avec Josie Ho, George Young, Choi Woo-Shik, Kkobbi Kim, Boon Pin Koh, Daniel Jenkins, Shô Nishino et Lawrence Wong.
Le synopsis du film "In the room", exploité à l'international sous le titre "Hotel Singapura", et son affiliation au genre "drame érotique" ne manquent pas de susciter des intérêts divers d'autant que le projet de son réalisateur Eric Khoo, chef de file du nouveau cinéma singapourien, s'avère ambitieux.
En effet, il entend retracer de manière métaphorique tant l'évolution socio-historique que l'évolution des moeurs de Singapourqui depuis son accession à l'indépendance en 1945 ainsi qu'une histoire du cinéma asiatique à partir de fragments d'histoires "amoureuses" délivrés dans une déclinaison mémorielle de la ronde schnitzlérienne articulée autour du lieu unique et impersonnel d'une chambre d'hôtel.
Sur la toile, le résultat déçoit à plus d'un titre, et, en premier lieu, car il ne parvient pas à éviter l'écueil dirimant du film à sketches tenant à l'hétérogénéité résultant du format. Par ailleurs, en raison de la banalité des intrigues, dépourvues de toute composante érotique, a fortiori exotique, qui n'abordent la thématique de l'amour et du désir que de façon marginale.
A ce titre, tout en étant réductrice, la bande annonce qui ne reprend que des images d'une séquence s'avère révélatrice.
Dans la chambre 27, où, au cours d'une "party" de fin de concert, meurt d'overdose une pop-star rejoignant le "Club des 27" et le clan des fantômes qui, de surcroît, noue une relation amoureuse subliminale avec la femme de chambre attachée à l'étage, box à la manière de celle du magazine télévisé Teva Déco mais figée dans le temps par son mobilier standard ne permettant pas la datation, il n'est question que de sexe.
Et celui-ci, même "à la singapourienne", illustre l'axiome mallarméen de la tristesse de la chair. L'enchaînement des scènes n'est pas sans évoquer la pratique du photographe japonais Araki dans ses "Tokyo Comedy".
Au demeurant, l'analogie avec le médium photographique s'impose en raison du montage et de la photographie, en sus d'une interprétation plate et désincarnée, peut-être séquelles d'une durée de tournage expéditive (dix jours), qui concourent à donner l'impression d'un roman-photo animé.
Enfin, la métonymie indiciaire proposée par Eric Khoo et les critiques discrètes sur la démocratie autoritaire pratiquée à Singapour, claires et évidentes pour ses compatriotes, restent totalement opaques pour le spectateur français moyen qui a déjà du mal à situer géographiquement ce micro-Etat, 1/10ème de la superficie de la Corse et néanmoins un des quatre dragons asiatiques, représenté par un point cartographique à la pointe sud de la Malaisie.
Cela étant, à l'aune d'un regard positif, certains considéreront ces réserves comme révélatrices d'un exercice de style échevelé et d'un parti-pris assumé et réussi.
Par ailleurs, trois séquences tirent leur épingle du jeu. Celle troublante de la dernière jouissance masculine d'un transexuel avant son opération radicale ("Change"), et surtout les deux premières.
"Rubber", en noir et blanc, avec Alain Resnais et Wong Kar-Wai comme figures tutélaires, où il est vraiment question d'amour interprété avec sensibilité par Boon Pin Koh et Daniel Jenkins, et "Pussy Power" (cf. BA) qui rappelle le sexe joyeux et psychédélique filmé par Russ Meyer avec Josie Ho qui campe allègrement une hétaîre dont le vagin a la vigueur d'un lance-balles de tennis (en l'espèce de ping-pong) tout en pouvant servir d'éplucheur de bananes et de machine à sashimi de poisson rouge ! |